L’impensé du désir au cœur de la raison
Il arrive que la voix romanesque tombe d’un côté et que le visible soit de l’autre. Reste, au milieu, le secret. Dario Franceschini le perce à travers Iacopo dalla Libera, qui à la mort de son père reçoit le secret de ce dernier. Cela conduit le fils dans les faubourgs de Ferrare dans un monde que ce notaire et mari fidèle ignore encore. Au milieu des prostituées et voyous, une femme va le faire plonger dans l’amour et le désordre. Et le roman s’embrase d’un réalisme onirique.
Les images qui unissent la femme et l’homme tiennent et glissent entre les mots. Les montrer dans le roman comme le propose Franceschini n’est pas un but : c’est une fin. La fiction met à nu au-delà des anecdotes tout un monde intérieur et l’impensé du désir au cœur de la raison. Elle donne vie à ce que le héros abandonne pour se libérer. Peu à peu, son passé est derrière lui et il ne va plus à la rencontre de ce qu’il fuyait.
Ce qu’il découvre ne ressemble par forcément à ce qu’il espère et parfois le héros doit fermer les yeux, sans quoi il verrait partout des souvenirs paternels Néanmoins, il ne faut pas plus qu’il croie à ce que, yeux fermés, il voit : ça ressemblerait trop aux désirs illusoires. Il préfère les indomptables. Et c’est pourquoi il rouvre les yeux pour ne pas avoir finalement rien vu et vécu comme disent beaucoup de personnes avant de mourir. Lui à l’inverse n’échappera à ce qu’il désirait atteindre.
Certains le prendront pour un gisant hirsute. Mais un gisant à l’air libre, fort et délivré du poids de l’apparentement. Sur le front du temps, lorsque sans un début, une histoire recommence.
jean-paul gavard-perret
Dario Franceschini, Ailleurs (Dacappo), trad. de l’italien par Chantal Moiroud, Gallimard, collection L’Arpenteur, domaine italien, Paris, 2017.