La poésie doit échapper au logos ou n’est pas
Catherine Sagot Duvauraux traverse « la prairie des livres parmi les collections, leurs beaux noms de récolte, l’herbier de semences des éditeurs courageux ». C’est aussi sa manière d’appréhender le monde. Si bien que chaque livre devient à la fois marche, paysage, réflexion « jusqu’à l’idée pourquoi pas, jusqu’à la saveur en tout cas qui dure un peu sur la langue ».
Tout le plaisir de lire comme celui d’écrire est là. La promenade est aussi incertaine qu’imprévisible puisqu’à chaque détour un autre paysage apparaît parmi les ombres appesanties. Chaque livre fourmille de graines que le lecteur doit faire germer. Et ce, à travers des lectures d’auteurs par forcément très connus : Suzanne Doppelt, Stéphanie Ferrat, Annie Cohen, Marie-Louise Chapelle, Danielle Collebert, M-F Albiach, Fabienne Raphoa mais aussi des noms bien identifiables : Hocquard, Daumal, Gracq, Rosset, Hubermann, Quignard, Prigent, Guyotat, Novarina, Arno Schmidt ou Dotremont.
Chaque fois « le pré pousse et repousse » là où « des Indiens veillent sur le feu, dans les montagnes » comme sur les toits de village ou de vieilles usines. Il suffit que les auteurs ne s’encombrent pas de leur l’ego autocentré et ne cherchent pas l’adéquation du sens par la possession d’une langue normative ou orthonormée qui ne bouge en rien. Preuve que la poésie doit échapper au logos ou n’est pas.
Et l’auteure l’illustre dans un langage riche en images. Elles ne servent pas de décors mais de « bulbes » de sens inédit propre à créer un réel légendé. Tout est passionnant ici même si Catherine Sagot Duvauroux fait peut-être la part trop belle à Gracq. Mais peut-on lui reprocher ?
jean-paul gavard-perret
Caroline Sagot Duvauroux, Un bout du pré, Editions José Corti, coll. En lisant, en écrivant, 20017, 216 p. - 20,00 €.