Ping-pong verbal face aux bretteurs d’estrade
Jean-Pierre Verheggen défend «la petite, la petiote » à, savoir la poésie. Contre les « lyriques geignards / pseudo-marginaux 100% académiques », il se fait lutteur de foire aux muscles cosmétiques. Il ne les exhibe pas uniquement selon un comique qui peut servir de caution à tout évangélisme. Il ne joue pas dans ce registre. Pour lui, la poésie est une bien autre histoire et son petit théâtre reste un cas d’école laïque. Ne voulant accepter le glissando des médias, il en est devenu le monstre, l’Indien sortant de sa réserve. Il vidange la mécanique des fluides du discours établi à l’inverse des auteurs « simplets pratiquants » qui rasent les lecteurs de leur Gillette à trois lames.
A l’ombre de Michaux le maître, il éclaire de manière sardonique les zones d’ombres du grand guignol poétique, met à nu le « off », coupe court aux canonisations et béatifications d’usage de sa voix dissidente pour indiquer aux chœurs et coryphées des bonnes âmes la porte de sortie. La poésie reste avec Verheggen une chronique à cheval sur deux mondes : le réel et celui qui le langage transforme . Un tel art aiguise les esprits les plus sagaces mais semble à la portée du premier imbécile venu. Le langage pose la question du sens et de son enracinement. Il semble mettre en communion avec le familier et l’intime mais l’hydre poétique en accentue la fiction
Pour beaucoup, le Belge est un bouffon, un roi nu mais son sceptre grandit chaque fois qu’il refuse de jouer de dindon de la farce. Celui qui n’a pas encore reçu le prix « Nobelge » (comme il l’espérait dans son précédent livre) continue à exaspérer le réel pour en distiller le néant et offrir en retour à une poésie des marges ses preuves irréfutables de ping-pong verbal face aux bretteurs d’estrade.
jean-paul gavard-perret
Jean-Pierre Verheggen, Ma petite poésie ne connaît pas la crise, Gallimard, coll. « Hors série », Paris, 2017.