La Sœur de mon frère est bien sûr un roman qui se respecte. En ce but, il possède forcément une heroïne (aimée de ses deux frères). Existent aussi beau et faux pères décédés et beaucoup d’enfants de lits plus ou moins officiels, d’autres femmes (célibataires ou non, fidèles ou veuves joyeuses). Chacune possède — en dehors de la position horizontale — ses activités spécifiques. Et l’une écrit : romans et poésies. Et plus particulièrement cette histoire touffue et débridée qui fluctue et part en tout sens.
Chacun, chacune y vont de leurs amours qui se limitent parfois à des histoires de chair bien faible. Si bien que la famille devient un monde plus ou moins clos mais en progression constante tant l’inceste est immense. Non seulement les couples ne cessent de se monter et de se démonter mais le langage bat la campagne. Ce qui est une façon de parler puisque le livre permet de parcourir le monde de Paris à Sydney via Londres, la Sicile, l’Afghanistan et un virage par le Jura.
Sans vraiment parler de saga existe néanmoins une sorte de roman de chevalerie ou du moins de cavaliers et de cavaliers du genre cavaleur : le moindre prétexte (repas, discussions) est bon pour le jeu des tripes et vers une nouvelle recomposition provisoire et aléatoire de l’échiquier familial. Le féminin règne en maître afin de dérégler les lois de la composition romanesque et ce qu’elle charriait de poncifs jusque là.
Exit la dimension univoque du récit. Il croît et se multiplie selon une paradoxale distribution des rôles dans le déplacement du monde, qu’il soit géographique ou non et ce, en un déplacement de ce que les marxistes nommaient les “superstructures”. Pas sûr pourtant que Marx y retrouve ses petits. Mais il ne sera pas le seul.
Catherine Weinzaepflen brouille ainsi bien des cartes du Tendre. Y vaquent des incarnations et autant de fantômes. S’y trame une apologie d’un gai savoir. Il tourne moins sur la figure du phallus tomem que celle de la source de vie intiatrice de toutes les créations : artistique et littéraire bien sûr mais, par delà, tout autant politique.
Un tel roman est tout sauf dépressif. Il est convulsif à souhait. L’érection est un état intérieur général - que chacun s’y trouve en position debout ou couchée. C’est un hymne acathiste, la lectrice, le lecteur n’y sont pas seulement à l’aise, ils deviennent comme les heroïnes et héros : prêts à l’orgasme ou l’éjaculation précoce ou senile, c’est selon. Grand bien nous fasse.
jean-paul gavard-perret
Catherine Weinzaepflen, La Sœur de mon frère, éditions Des femmes Antoinette Fouque, 2017, 404 p. — 16,00 €.
Suis en train de finir de le lire, et ne peux mieux dire que vous ce que j’aime dans ce livre et ne comprends absolument pas comment la presse papier et/ou numérique ne s’en est pas emparée. C’est un roman fantastique, même si très réaliste, dans sa construction libre, dans cet éclatement maîtrisé. Je file le terminer et vous remercie.