Vérités et légendes sur Kennedy
S’il est un mythe qui perdure au-delà des décennies et des travaux des historiens, c’est bien celui de John Fitzgerald Kennedy. Le président démocrate – forcément démocrate ! – bénéficie d’une indulgence médiatique et collective sur laquelle il convient de se pencher. C’est l’objet du très intéressant livre de Georges Ayache paru dans la collection « Vérités et légendes » des éditions Perrin.
L’image qui en ressort est celle « un homme qui, au fond, aura plus appris à être président qu’à présider ». Certes, Kennedy a géré avec sang-froid la plus grave crise de la Guerre froide, celle de Cuba. Il a prononcé de célèbres discours qui n’ont pas pour autant changé la face du monde. Sur la question des droits civiques, l’une des plus cruciales de son époque, il s’est montré très pusillanime, avant tout pour des intérêts électoraux. Même sa grande rencontre avec Khrouchtchev fut, de son propre aveu, ratée. Et en bon démocrate, il a engagé les Etats-Unis dans une guerre, celle du Vietnam, qui s’acheva comme chacun sait dans un désastre.
Georges Ayache ne cache rien du coté obscur du personnage, ses mensonges, ses manipulations éditoriales, son ingratitude et bien sûr ses obsessions sexuelles. Oui, il faut le dire, John Kennedy fut un obsédé sexuel, amateur d’orgies, consommateur de prostituées, mari infidèle, humiliant son épouse qui d’ailleurs ne fut pas en reste dans la construction de la légende.
Un point est mis particulièrement en relief dans le livre, la complicité de la presse. Car il ne s’agit pas seulement de complaisance. Les Américains ne surent rien de la vie privée désordonnée de Kennedy ou de son déplorable état de santé. La grande et paraît-il indépendante presse américaine fit le récit « sous la forme d’un conte de fées » du soi-disant couple Kennedy ; d’innombrables journalistes se comportèrent « en supporters et en thuriféraires, plutôt qu’en observateurs neutres » mettant soigneusement sous le boisseau les secrets de « leur président » ; attitude en grande partie motivée par leur haine pour Nixon. Les temps n’ont guère changé comme on le voit…
Force est de constater que cette entreprise de communication politique a bien porté ses fruits. Il n’y a qu’à comparer les bilans concrets de Kennedy et de Reagan, leur rôle respectif dans l’histoire des Etats-Unis et du monde et leur image dans les médias et même dans les livres pour s’en rendre compte.
frederic le moal
Georges Ayache, Kennedy. Vérités et légendes, Perrin, mars 2017, 236 p., 14.90 €