Un récit de SF alliant fantasy et steampunk
Maître Pip exerce le métier peu avouable de pilleur de tombes. C’est ainsi qu’il découvre, une nuit, dans un caveau, un homme vivant, nu, muet, sans souvenirs. Son seul signe distinctif est un tatouage sur l’épaule droite : MAIN D’OR I. Pip l’appelle alors Mandor et le ramène à son domicile qu’il partage avec Yss, sa sœur. Presque immédiatement, Mandor dévoile des capacités étonnantes, remettant en marche une horloge que Pip n’avait jamais pu faire fonctionner, trouve l’utilisation d’un étrange appareil qui se révèle être un grille-pain…
La nouvelle de sa présence se répand dans le village, les curieux affluent ainsi que Vern, le soupirant de Yss, qui se montre jaloux. C’est Maudee, l’institutrice, qui fait un rapprochement avec un psaume, une prédiction sur l’arrivée d’un guide. Elle le prend dans sa classe où il fait des progrès remarquables pour parler, lire et écrire. La présence de Mandor attire l’attention des religieux du Haut-Mesnil. Basil Le Bourdon, le chef du collège des hommes, vient l’observer. Il connaît bien le contenu de la prophétie et craint qu’un tel guide remette en cause leur pouvoir sur les populations. Mandor est intrigué par le nom donné à l’endroit où vit la communauté. Quand Yss lui explique que c’est celui qui est inscrit sur le sol, loin au nord, il décide d’y aller…
Le héros est également le narrateur du récit, faisant ainsi, découvrir à sa façon le nouvel univers où il est arrivé et ce qu’il en décrypte. Ter est-il le diminutif, la version tronquée de Terre ou ce nom recèle-t-il une autre signification ? L’action se déroule à une époque inconnue, dans un lieu qui reste à identifier. Mais le scénariste donne quelques pistes. Pip possède, par ses rapines, toute une série d’objets bien familiers au lecteur d’aujourd’hui. Ceux-ci peuvent évoquer une société construite sur les ruines de la civilisation occidentale avec l’horloge, le grille-pain, le projecteur d’images… Une société survivaliste dont les membres ont perdu la connaissance nécessaire pour faire fonctionner ces objets qui n’ont besoin, aux dires de Mandor que d’ ”…un peu de nettoyage et ça repartait…“
Rodolphe, comme G.-J. Arnaud ce fabuleux romancier, est fasciné par tous les développements autour de la recherche d’identité et avec Mandor, il récidive dans le thème. Il appuie également son intrigue sur une prophétie qui a le mérite d’être limpide et explicite et qui s’applique, dans son premier quatrain, à la situation présente. Mais, depuis que l’humanité existe, il a fallu qu’elle s’encombre de religions et surtout de religieux. Et ceux-ci, bien sûr, ne manquent pas dans ce monde, s’arrogeant, comme partout, la meilleure place. Cependant, Rodolphe avec son art du récit, son talent à mener une histoire réserve, en conclusion, une fort belle surprise qui laisse augurer de beaux développements.
Le dessin réaliste de Christophe Dubois fait merveille pour la mise en images de ce récit de fiction spéculative. Tant pour les décors que pour les personnages, il offre un graphisme époustouflant mettant en scène une galerie de personnages de toute beauté, un bestiaire attractif et des paysages d’une grande qualité. La gestuelle est bien rendue, les attitudes sont dynamiques mêmes en dehors des scènes de combat.
Ce premier volet d’une trilogie est attractif à tous les points de vue tant pour le contenu de l’histoire, les péripéties que pour un graphisme particulièrement travaillé. Cette édition est complétée par un cahier graphique de 14 pages qui donne un éclairage sur le travail graphique de Christophe Dubois.
serge perraud
Rodolphe (scénario) & Christophe Dubois (dessin et couleurs), TER — t.1 : L’Étranger, Editions Daniel Maghen, avril 2017, 80 p. – 16, 00€.