Une extase du monde loin de tout bavardage
Zeni Bianu ne cesse d’agir sur le moteur du monde selon une rhétorique première de la solarité. Tout lui fait hommage même lorsque les textes jouxtent le sombre et le nocturne. Si bien que le poète ne cesse « de tomber dans le jour ». Mais plus que magie ou mystère jaillit le réel poussé à bout vers une autre mémoire et une évidence afin de faire ressentir une conscience différente du monde. Cette approche n’est pas formaliste. Le circonstanciel reste secondaire. Par les incisions de lumière et leurs « pigments » de poétique engeance, sur les flaques de néant, se perçoit, par delà son illusion d’optique, ce qui, en lui, est tombé, abandonné, versé ou abîmé.
Pour Bianu, chaque mot garde, en son « apesanteur », un poids. Et le corpus crée des images mentales chargées de mouvements paradoxaux Elles glissent en effet “au fond du ciel”. Bref, une ascension a donc lieu de facto là où — de plus — un inconscient émerge. Il devient la projection d’un moi vivant et d’une extase du monde loin de tout bavardage. D’autant que Bianu reste rétif au brio : “le brio c’est toujours l’égo / et ses vieilles lunes ». L’autre reste donc toujours l’horizon du poème même si l’auteur croit à « l’opacité solitaire » du travail d’écriture. Elle seule permet de se confronter aux morsures existentielles qui « font » le corps et l’esprit à l’écoute des bruits non seulement du monde mais de l’univers.
jean-paul gavard-perret Zéno Bianu, D’un univers funambule, Gallimard, coll. Blanche, 2017.