Laurent-Frédéric Bollée imagine un huis clos en tension, une nouvelle vision, une nouvelle approche de cette forme d’intrigue immortalisée par Agatha Christie dans Dix petits nègres.
Garth Sneebs reprend conscience dans un lit qui n’est pas le sien, dans une chambre inconnue. Un épais brouillard empêche de voir l’extérieur. Dans le couloir, une succession de portes semblables. Lorsqu’il appelle, des voix lointaines lui répondent. Il arrive dans une cuisine où une femme et quatre hommes se restaurent. Quand on lui propose un café, il a un violent mouvement d’humeur, voulant plutôt savoir pourquoi il est là. Comme personne ne peut répondre, Albert présente Helen, Abel, Nathan et Hans qui sont dans le même questionnement.
Depuis le parc le domaine leur semble lugubre, entouré d’un brouillard dense et d’une barrière invisible qui leur interdit l’accès au portail qu’ils distinguent pourtant. Peu à peu, en petit groupe, ils explorent la grande maison. Un hurlement d’Helen les alerte. Albert a disparu en franchissant une porte qui donnait sur un trou béant et… insondable. Ils comprennent que la mystérieuse maison recèle des périls. Ils sont confrontés à des aberrations architecturales, des pièges monstrueux, des bruits fantastiques. En faisant plus ample connaissance, ils constatent qu’ils viennent de périodes différentes mais restent discrets sur leur passé. Le sentiment d’être espionnés génère une paranoïa dont ils n’ont pas besoin. Et, après Albert, c’est Abel qui est “aspiré” par la maison.
Le tome 2 s’ouvre sur une série de révélations. Garth est un serial killer qui s’en prend à Hans. Helen s’appelait Len, en 1957, à Atlantic City. Apparaît un nouvel arrivant, un militaire qui s’est trouvé transporté du Vietnam dans cette demeure et qui secrètement a exploré toute la demeure. Mais les mystères continuent… Dans un espace clos, en mutation, le scénariste réunit un groupe de personnes venues d’horizons divers, qui n’ont, semble-t-il, rien en commun mais contraintes de cohabiter et tenter de trouver une solution à leur situation.
Outre l’incertitude sur leur sort, les personnages sont confrontés à une sorte de magie, de sorcellerie, de fantastique. Par exemple, malgré leur tentative pour comprendre l’arrivée régulière de leurs repas, ils restent bredouilles. L’auteur compose un groupe très hétérogène et joue sur le fait qu’ils vivaient à des époques bien différentes quand ils ont été projetés dans ce nouvel univers. Il dévoile, peu à peu, leur passé qui, cependant, n’explique pas encore le pourquoi de leur situation. Utilisant à merveille les incertitudes, les événements cachés, les interrogations sur leur statut, l’intrigue monte régulièrement en pression. Sont-ils encore vivants ? Sont-ils morts et partagent-ils un purgatoire, un enfer ?
Le dessin, tout en esquisse, de Fabrice Meddour ne ressort que par la mise en couleurs de Stéphane Paitreau qui, avec ses larges à-plats de teintes neutres, structure l’image. Cette technique, tant pour les décors que pour les personnages, renforce le côté sombre où illumine certains visages, donne des physionomies intéressantes et torturées. Toutefois, il n’est pas toujours facile de faire la distinction entre Garth et Nathan.
Ces deux premiers volets, riches en tensions et en mystères à foison, font attendre le troisième et dernier opus qui devrait livrer une réponse à tous les secrets. Palpitant !
serge perraud
Laurent-Frédéric Bollée (scénario), Fabrice Meddour (dessin) & Stéphane Paitreau (couleurs), Espace vital, “Chapitre 1 et 2″, Glénat, coll. “Grafica”, février et avril 2017, 48 p. par album - 13, 90 € chacun.