Un homme meurt. Le synopsis du dernier roman de Philip Roth tient en trois mots. Mais il est magistralement écrit
Vous cherchez un livre à offrir pour les fêtes ? Ce ne sera pas celui-là.
Et pourtant vous n’aurez rien lu de tel cette année.
Un homme meurt. Cet énoncé est le synopsis et le thème du dernier livre de Philip Roth.
Comme dans tout biopic qui se respecte, le récit s’ouvre sur les funérailles du protagoniste. Et s’achève sur l’opération qui l’emporte. Entre, une sélection de quelques passages clés de la vie.
Sauf que Un homme est le biopic d’un quidam (Everyman est le titre original). Le premier paragraphe suffit à établir son état civil : new-yorkais, publiciste, marié (trois fois), deux garçons, une fille, un frère. Ni génial, ni nul : normal. Commun. Le commun des mortels, en quelque sorte.
Sauf que les tranches de vie décrites sont essentiellement celles de la décrépitude :
vieillard diminué comme beaucoup de vieillards, il était entré dans un processus de rétrécissement, (…) il lui faudrait en l’occurrence boire jusqu’à la lie le calice de ses jours sans but, jours sans but et nuits incertaines, témoin de sa dégradation physique irréversible, en proie à une tristesse incurable, dans l’attente, dans l’attente de celui qui n’a rien à attendre.
Le rythme du roman permet d’aborder par le biais de rencontres, toutes poignantes, les grandes thématiques liées à la mort : la compassion, le désir, l’envie, le souvenir, la souffrance, les interrogations sur le sens de la vie lorsque le malheur s’acharne…
Ce n’est pas une bataille, la vieillesse, c’est un massacre.
Un homme est un roman profond, dense, sensible… mais surtout magistralement écrit. Il y a quelques pages qui constituent d’authentiques poèmes en prose (la page 109 sur l’océan est trop longue pour être retranscrite ici mais elle est juste inoubliable, croyez-moi), mais mon admiration est davantage liée à cette virtuosité propre à Roth qui lui permet des analyses extrêmement précises des situations et réflexions de son sujet sans jamais devenir pesant ou précieux. Cru parfois, mais juste. Au cœur de notre humanité.
Ce qu’il dit de Saul Bellow dans la somptueuse interview qu’il a accordée à Télérama début novembre, et de l’irruption de la langue de la rue dans la littérature contemporaine, vaut également pour son propre travail. Cette nouvelle étape dans son œuvre époustouflante en constitue un autre sommet.
Mais à qui offrir un bouquin pareil pour Noël ?
g. menanteau
Philip Roth, Un homme (traduit de l’anglais — Etats-Unis — par Josée Kamoun), Gallimard coll. “Du monde entier”, novembre 2007, 153 p. — 15,50 €. |