Renouant avec son art consubstantiel à sa propre personne, Claire-Marie Gosselin présente ses terres bleues aux stupeurs de l’entraperçu là où le silence se montre et s’articule avec en filigrane des questions tueuses et des incendies sourds, des arpents du Québec aux guimbardes des galaxies. Rien à voir ? Rien à entendre ? Non. Tout le contraire. Le « paysage » comme l’existence trébuche, tombe, glisse sous le verglas des jours et des œuvres aux connivences intimes et cachées là où les horizons n’ont pas de réalité.
Jamais ou peu de ponts et de points. Restent des territoires poétiques et clandestins sur celui des sentiments. Il faut se perdre dans le bleu avec des parfums, des moirures qu’on ne connaît que dans la région de Laval. Il s’agit de vider l’espace pour reconstruire une nouvelle peau.
Par infusion, l’art devient non seulement une surface mais un murmure. Il arrive sans agressions mais non sans douleur même si l’artiste la remise. Les œuvres restent des fumigènes qui ne cachent pas mais lèvent la barrière du carcan de la vie. Les toiles bougent et répètent à l’artiste qu’elle n’est pas seule dans son corps. Jaillissent des rythmes qui trouent le non sens. Tout se veut respiration, abandon sous « les doigts noirs et des mains de blanchisseuses ». L’œuvre « se tient comme au-dessus de la géographie d’un arôme : de là tout vient » écrit l’artiste.
Son travail ne cloue pas : il embrasse la rudesse du monde et la métamorphose. La machinerie de l’art redevient agissante pour celle qui n’est pas une femme d’intérieur. Ni vraiment d’extérieur d’ailleurs : « Petite je m’endormais sur le sol. Ne sachant où me ranger. Où me mettre Où ma place. Aujourd’hui un champ de lèvres sous mes pas. Fine pellicule déroulée ».
Son travail représente la césure plus large que les déchirures qui l’ont vu naître et s’accomplir depuis toujours. Pas de zone arrachée. Ni de zones trop claires. Ni éclairs, ni étincelles. Ne pas travestir l’ombre. Ni la déshabiller.
Mais tout se rassemble en bleu contre le risque de se perdre.
jean-paul gavard-perret
Claire-Marie Gosselin, Bleu d’i@i, C.I.Eau, Laval, Québec, 27 avril — 1er octobre 2017.