Pour son premier roman, Minh Tran Huy signe un texte délicieux, poétique et très bien construit
La Princesse et le pêcheur est le premier roman de Minh Tran Huy, mais celle-ci n’est pas une débutante en littérature (rédactrice en chef adjointe au Magazine Littéraire, chroniqueuse aux Mots de Minuit…). Les journalistes ont donc parfois raison de se mettre à écrire, même si c’est pour nous raconter une “histoire d’amour” ou un énième “roman d’apprentissage”. En effet, le sujet est plutôt déjà vu. Une jeune fille rêveuse, qui aime vivre dans la fiction, vie plus vraie que la réalité, rencontre un beau jour un jeune homme mystérieux et audacieux, qui va la faire réfléchir sur la vie, l’amour, le passé, l’espoir. Malgré tout, loin d’être ennuyeux, ce roman est délicieux, poétique et très bien construit.
Lan est donc cette jeune fille renfermée et solitaire. Française d’origine vietnamienne, elle rencontre Nan, lors d’un voyage linguistique, sur le ferry qui les mène en Angleterre. Ils se rapprochent l’un de l’autre car tous deux ont les yeux bridés et la peau foncée. De la même origine, ils deviennent petit à petit amis. Chacun vit son origine et sa nouvelle appartenance à la France de manière plus ou moins chaotique : volonté d’intégration, de réussite sociale mais aussi désir de garder des traces de son passé et d’un pays mal connu. Elle réussit, et lui échoue. D’autre part, les aventures sentimentales de Lan se confrontent à celles de ses parents et de sa grand-mère, des gens restés là-bas. Le mal-être propre à l’adolescence, le sentiment d’être “à côté”, de ne pas vivre les choses comme on le voudrait : Lan découvre que ces sentiments sont universels… et sources de nostalgie.
Le titre du roman sonne comme un conte, Lan et Nan adorent s’en raconter :
C’étaient des espaces clos, qui faisaient bloc contre l’incertitude régnant sur nos vies. Tout y était plus merveilleux, surprenant, magique, mais aussi… plus simple. […] Un roman disait ce que vivre peut être ; un conte ne se préoccupait aucunement de ressembler à la réalité. Il était l’aimable mensonge qui nous consolait, un instant, de ce que l’existence avait d’irrémédiable et de vain.
Tel un enchevêtrement de contes et de réalité, la lecture de ce roman apparemment anodin est à la fois apaisante, riche de mondes merveilleux mais cruellement décevante, à l’image la vie, remplie de choix arbitraires et d’actes manqués.
m. piton
Minh Tran Huy, La Princesse et le pêcheur, Actes Sud, août 2007, 186 p. — 18,00 €. |
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