Voyageur temporel malgré lui…
Avec ce récit, Olivier Bocquet s’amuse, et nous divertit grandement, à placer un adolescent accro à tous les systèmes de notre société, dans un univers dépourvu de tous ces éléments. Attaché aux moyens modernes de communication, à la consommation de pizzas… Franck doit lutter. Mais c’est un garçon plein de ressources, qui va s’adapter à son nouvel environnement, allant jusqu’à donner à ceux qui ne l’ont pas mangé les moyens d’évoluer. Il manque, cependant, à la règle numéro 1 à respecter par un voyageur temporel qui est de ne pas interférer dans les événements, surtout lorsqu’il est dans le passé, pour ne pas modifier son propre futur.
Franck est bichonné par un assistant de l’orphelinat en vue de son adoption. C’est la quatrième tentative et personne, dans l’établissement, ne veut qu’elle échoue. Mais Franck n’est pas d’accord. Il essaie de fuir de façon acrobatique et tombe sur la véranda où la directrice reçoit les futurs parents. Malgré l’incident, ceux-ci souhaitent continuer. Le temps de régler les formalités administratives, Franck rejoint son seul ami, le jardinier. Celui-ci l’a vu fuir de nombreuses fois… et revenir autant. Mais, suite à la révélation que la directrice a laissé échapper sur les parents de Franck, il comprend qu’il doit des explications au garçon. C’est lui qui, en cherchant des plantes, l’a trouvé il y a treize ans dans la forêt. Il lui montre l’endroit sur une carte et l’adolescent décide de s’y rendre immédiatement en se guidant avec le GPS de son smartphone. Sur les lieux, la forêt à fait place au chantier d’un futur parc d’attractions sur le thème de la préhistoire. Poursuivi par un chien de garde, il fonce droit devant lui et tombe dans un lac. Comme il ne sait pas nager, il se débat et émerge pour se trouver nez à nez avec un smilodon aux impressionnantes dents de sabre…
Le scénariste, comme le dessinateur, multiplie les trouvailles, joue sur le décalage qu’on peut trouver entre les moyens de notre civilisation et ceux d’une société qui émerge du chaos. Il donne un ton léger à son histoire, fait montre de beaucoup d’humour et brocarde nos pratiques. Ainsi, Frnck prend le bagout d’un bouffon de l’immobilier pour décrire les différentes parties de la nouvelle grotte où s’installe la tribu. Avec un langage où la voyelle reste à inventer, il offre des dialogues pétillants, truculents et qui se lisent facilement. Les détails sont soignés et tiennent compte de la réalité. Ainsi, la jeune beauté qui apparaît et fait tourner toutes les têtes masculines a les jambes poilues et ses aisselles ne sont pas épilées. Mais derrière un propos léger, volontairement humoristique, le scénariste aborde des problématiques plus profondes comme les situations d’adoption pas toujours adéquates, l’envie, voire le besoin de connaitre ses géniteurs et les raisons qui ont poussé ceux-ci à l’abandon.
Brice Cossu, qui a signé de très nombreux albums, offre un dessin élégant, précis, au trait fin, aéré. Il anime de façon dynamique ce garçon turbulent placé dans des situations très physiques. Les planches sont remarquables avec de superbes effets, des perspectives hardies, une recherche approfondie de la mise en page.
Ce premier album se révèle une excellente surprise qui fait attendre avec impatience une suite annoncée dès le mois d’août 2017 pour le tome 2 et en 2018 pour les opus 3 et 4.
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serge perraud
Olivier Bocquet (scénario), Brice Cossu (dessin) & Yoann Guillo (couleurs), Frnck - t.1 : “Le début du commencement”, Dupuis, mars 2017, 56 p. – 9,90 €.