Richard Meier, quel que soit son registre (édition, imprimerie, écriture), est l’inventeur de carnations paradoxales. S’y agitent l’animal, le démon, l’ange, la bête, l’âme. Preuve que rien ne se forme dans le soi-même mais doit sortir ce qui débine pour en faire de la débine qui devra se débiner. Le créateur rappelle que si on ne vit pas que d’organes car « ils ne sont pas la vie mais le contraire » (A . Artaud), ils ne sont pourtant en rien négligeables.
Il faut donc chercher la vie à « Huit VOIX vite ». Là où les textes sont écrits (de façon scripte et cursive) en marge de « taches préparées en restes » pour une célébration en rien délétère dans un ordre particulier du « carnet ». Comme l’écrit l’auteur, « mots homophones et homographes abondent en paronymes absolus, virelangue; tongue-twister qui casse littéralement la langue d’UN qui lui est étranger »
Si bien que — et comme le vocable « voix » l’indique — le mot est fait pour l’oreille. Et ce, en un appel à l’autre comme à l’enfoui pour une folie aussi textuelle que sexuelle « Main remontant au doigt raide et touchant. Reste ce qui reste : que faire de ça ? Cri rentré, poussé, chair et songe assemblés, tout le passé, tout l’être enfoui reprenant sa ruée éblouissant. »
Meier trouve les voies qui coulissent entre elles et celles qui glissent entre les corps, entre les parois de la peau ou du papier, entre la chair des corps ou celle des mots. La profondeur est là où le créateur fouille en caressant son doute et le nôtre. Tout sort d’un tissu mental — les mystiques comme leurs débauchés, déjà, flairaient ça.
Quelques fois la main de l’artiste cherche, seule, loin de lui. Le corps est trop grand, les formats aussi. Mais Meier leur redonne des ailes. Tout est dans un cratère – oreille ou sexe qu’importe. Prisonnier de tels autres, on espère ne pas s’en échapper sans avoir rien pris ou appris. Se poursuit une cavatine, un creusement à l’oreille de la matière de vie, à l’intérieur du cercle de l’autre. En un travail du rythme de la main, de son coagulum, Meier va vers le lieu nu dans le bordel des masses. Son effort porte jusqu’au sacrifice puisque sa fonction est de s’engouffrer.
Sous la viande les cavités. Emerge un nouvel état du livre et de la voix. Les mots semblent des poupées presque brisées. On voudrait non seulement les prendre dans les bras mais les porter sur les épaules. Enveloppe et écorce. Le travail reste la passion de la pénétration dans le monde et dans l’anneau de feu. Air, terre, oreille, ovaire là où « L’encre parole est d’abord pour l’oreille ». Pour l’appel. Pour la sensation.
jean-paul gavard-perret
Richard Meier, Huit voix vite, Editions Richard Meier, 2017.
Bonjour,
Merci pour les vues sur 8x8… D’autre part je suis en plein dans la lecture de votre Beckett et la poésie : la disparition des images. Je suis un grand lecteur de S.B. que je reprends de temps en temps, jamais lassé. Pouvez-vous me laisser votre adresse — je vous fait suivre un livre/carnet au titre “La lecture est la lame de la voix haute“
(chaque exemplaire change de titre)
Richard