Les textes de Perrine Le Querrec sont des exercices de nudité. Ils n’ont rien d’érotique – sinon par inadvertance ou lorsqu’il est inutile de passer outre eu égard à leurs propos. Bref, ils se rapprochent du vivant (et de la mort qui en fait partie) sans la moindre clémence pour la « bienséance ». Ce qu’on pourrait prendre pour des outrances sont des nécessités au seuil d’un surgissement qui serait différé ou mensonger autrement. L’auteure ressource la méditation sur le tangible d’identités physiques.
Toute la vie est là. Et comme disent les croyants : « Dieu la bénisse », même lorsqu’elle n’a rien d’un bel été. La vie d’Unica Zürn l’a prouvé. Les mots de Perrine Le Querrec pour l’évoquer l’ont confirmé. Comme pour son héroïne, le je de Perrine n’existe pas sans le Vous qui l’attache mais elle en connaît tout autant le caractère provisoire et décalé. Une solitude certaine la rend écrivaine qu’il faut savoir lire et écouter.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La curiosité.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils ont grandi.
A quoi avez-vous renoncé ?
Renoncé ? Non, pas encore.
D’où venez-vous ?
Du silence.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La rage.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
La rêverie. Quotidienne si possible.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
L’isolement.
Comment définiriez-vous votre approche d’Unica Zürn ?
C’est elle qui m’a approchée. C’est elle qui m’a emportée. C’est elle qui a glissé les mots sous mes doigts, elle qui a placé sur ma route ceux qui l’avaient rencontrée afin qu’ils me confient leurs secrets, elle qui m’accompagne.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
“Le Champ de blé aux corbeaux” de Van Gogh, découvert dans un Larousse des grands peintres à l’âge où l’on sait tourner les pages.
Et votre première lecture ?
Un livre d’Erich Kästner, « Le 35 mai » : je me souviens très précisément de mon émerveillement
Quelles musiques écoutez-vous ?
Du rock, essentiellement. Et les compositions expérimentales de mon fils aîné.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Espèces d’espaces » de G. Perec
Quel film vous fait pleurer ?
Quasiment tous. Je suis une vraie pleureuse des salles obscures.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une histoire improbable.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À Jean Oury
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Paris. J’y croise tout ce dont mon imagination a besoin : fantômes, vivants, laideurs, beautés, violences, curiosités, éblouissements, désolations etc. etc.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Pina Bausch, Diane Arbus, Louise Bourgeois, Clarice Lispector, Unica Zürn, Flannery O’Connor, Eric Pougeau, Andréas Becker. Liste absolument non-exhaustive.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
L’inconnu.
Que défendez-vous ?
La différence.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je distingue à peine la silhouette de cette phrase. L’amour c’est juste un sursis. Flamboyant.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
On s’y perd.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
La précarité dans laquelle vivent les écrivains est-elle supportable ? NON.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 27 mars 2017.