La peinture de Joël Leick se fait parfois moirée et transparente, parfois violente dans ses transversales : dans les deux cas, une transparence particulière laisse voir les mots de Rimbaud comme jamais : « L’Oiseau et le Poète ne font plus qu’un ». Dans ce « rendez-vous des Voleurs de Feu », Leick conçoit l’intervention réciproque de la peinture sur l’écriture comme un acte et non comme un état. Et en offrant une telle “poetry-painting-acting”, il retrouve une donnée sinon fondamentale du moins première de la démarche de Rimbaud.
La peinture ne cherche pas à la parfaire par quelque chose de léché : elle renforce l’espace de l’imaginaire jusque dans sa fragmentation, ses éclats et ses coupes sombres. Ce qui compte n’est pas de trouver les “impossibles invariants” dont parlait Foucault mais de toucher à quelque chose qui, dans la peinture comme dans la poésie, bouge.
Par l’ouverture dans la “blessure” de Rimbaud, existe ce “trou” cher à Mallarmé où se crée dans la dualité, plus que le face-à-face peintre-poète, une extra territorialité. L’artiste, en sortant la poésie de ses conduits comme il sort la peinture de ses conduites forcées, propose par ses interventions des éboulements.
Avec cette “goutte de cruauté” chère à Nietzsche en une “scripturographie” (image + écriture), Joël Leick libère donc l’image et le discours — même rimbaldien — des règles de sécurité qui limitent habituellement son « jeu ». Rien n’a donc lieu que le lieu en même temps que se nouent l’ouverture et la visualisation d’une rythmique en suspens. Ce qui s’impose est de l’ordre du secret. De l’inconscient qui s’y noue.
jean-paul gavard-perret
Joël Leick, Passages d’Arthur Rimbaud avec une traduction en langue amharique , Atelier Joël Leick, 2017.