Jim explore depuis plusieurs années les rapports humains, les rapports amoureux dans toutes leurs déclinaisons et avec toutes les situations qui peuvent en découler. Avec ce diptyque, il explore les effets du temps qui passe, les conséquences sur un couple, l’érosion du désir. Il met en avant la peur de vieillir, de ne plus plaire avec l’approche de la cinquantaine qui, aux yeux des femmes, marque un tournant dans leur vie. Il évoque le désir, son usure, la nécessité de continuer à séduire son partenaire même avec les années.
Parce qu’il voulait être à la hauteur pour la nuit d’anniversaire de Léa, son épouse, Florent prend un stimulant. C’est pendant le repas, avec Alexandra et Jean-Fab, un couple d’amis, que Léa découvre, en posant la main sur sa cuisse, l’érection impressionnante de son mari. Or, comme il est assis en face d’Alexandra, elle imagine que c’est pour elle que Florent est dans cet état. Il s’ensuit, lorsqu’ils se retrouvent seuls, une série d’explications houleuses jusqu’au moment où on sonne à la porte. Florent, qui ouvre, se trouve face à une Alexandra trempée, en pleurs, une valise à la main…
Le livre 2 s’ouvre sur l’exposé de la situation et sur les raisons qui poussent Alexandra à revenir chez ses amis. Ils se sont engueulés comme du poisson pourri (une expression dont l’origine et le sens restent très mystérieux) et elle est partie sur un coup de tête. Elle dévoile sa vie avec Jean-Fab, ses déboires sentimentaux avec cet individu, ce qu’il lui fait subir, les insultes, les réconciliations. Il l’a détruite peu à peu. Elle n’en peut plus et envie tellement ses amis dont le couple forme un si charmant tableau.
Mais cette intrusion et diversion, si elle donne un peu de répit à Florent, ne règle en rien la situation avec Léa. Celle-ci, cependant, découvrant la vie d’Alexandra relativise quelque peu. Mais cet anniversaire, la peur de vieillir, l’amènent à vérifier si son charme reste intact avec un des jeunes gens qui font la fête du nouvel an à l’étage au-dessus.
Alexandra, qui doute également de sa capacité à séduire, à retrouver un compagnon si elle quitte Jean-Fab, est prête à le rejoindre malgré la vie qu’il lui fait mener. Et ce dernier, furieux, après quelques textos, cogne à la porte de l’immeuble …
C’est une crise dans un couple née d’un malentendu, issue de la propre perception de chacun des protagonistes. Lui qui craint la défaillance sexuelle avec ce décalage dans la montée du plaisir, qui espère retrouver une certaine jeunesse avec une aide médicamenteuse. Elle qui est obnubilée par son âge, qui assimile l’acte de son époux à une érosion voire une absence de désir. Elle ne lui plaît plus, elle ne plaît plus ! Et c’est l’escalade, les désagréables raisons mises en avant avec une belle mauvaise foi. Mais aussi l’humiliation de se dire que son partenaire ne la désire plus comme avant, au point d’avoir recours à des palliatifs pour enflammer le désir.
Jim mêle également les regrets d’une jeunesse à jamais perdue, qui ne reviendra plus jamais, la crainte de la solitude, de vieillir sans personne à ses côtés.
Des dialogues pétillants, d’une justesse et d’une logique implacable servent cette comédie douce-amère avec beaucoup d’humour, beaucoup de second degré. Cette bande dessinée est construite comme une pièce de théâtre reprenant les règles de pièces classiques telles que les unités de temps, de lieu et d’action. Le dessin de Lounis Chabane et les couleurs de Delphine sont toujours aussi attractifs. Ils donnent une qualité d’images remarquables tant dans la représentation des personnages que l’expression de leurs sentiments comme la description des décors. Ils réussissent à donner, avec des angles de vues différents, un renouvellement du cadre, alors que l’essentiel du récit se déroule dans un salon, un grand salon certes.
Avec L’Érection, Jim signe une exploration réussie du sentiment amoureux face à une érosion du désir, à la peur de ne plus plaire, de ne plus se plaire.
serge perraud
Jim (scénario), Lounis Chabane (dessin) & Delphine (couleurs), L’Érection, Livre 2, Bamboo, coll. “Grand Angle”, mars 2017, 72 p. – 16,90 €.