Une femme parle, lassée par les jours, laissée par les semaines. Elle écrit pour les accompagner. Ce qui ne permet pas seulement au discours de se poursuivre : il se féconde de lui-même, repris partout au milieu de l’été, ses spectacles, ses foules en départs ou en arrivée.
Le texte n’est plus vraiment ni voulu, ni attendu, il flotte, corps sans sujet, sujet sans corps. Autarcique mais ouvert. Il combat le temps en sa carcasse entre l’écrit et l’oral. Pour biffer les sanglots ridicules comme les commodités de la conversation. Se fixer ainsi de peu est une tâche. Peut-être aussi une chance, un salut au moment où le corps semble sans objet, las, fourbu et part en cacahuète.
Alors au lieu de remuer les bras dans une gymnastique qui ne fait rien bouger, Maud Basan — du moins sa narratrice — rattrape le temps en écrivant, improvise. Et les mots non seulement arrivent, ils vont au-delà même de la solitude et du risque de la disparition.
Il y a bien sûr des souvenirs, des espoirs et l’inverse aussi, des regrets mais surtout une étrange dynamique qui à force qu’elle avance se nourrit d’elle-même en proposant « des pays nouveaux, inexplorés ». Si bien que dans la langue un voyage s’organise en « étendues continentales comme en haute mer ». D’où un périple dans des lieux inconnus qui pourrait rappeler l’estuaire du fleuve Amour. Quant à l’amour lui-même, il est en grève perlée ou en capiton. Mais le paysage change, la tentative de parole s’est transformée en mouvement insubmersible.
Et si les anciens personnages de l’auteure avaient parfois du mal à parler, ici le fleuve gelé des mots se réchauffe. Mais, plus que de débâcle, il s’agit de remontée. Si bien que l’été plombé sent malgré tout l’air du large en assurant la survie. Des nuages s’en vont, la voie redevient libre. Une porte s’ouvre, une autre encore. Et l’auteure va regretter que l’été doive finir.
jean-paul gavard-perret
Maud Basan, Tout l’été, P.O.L éditions, Paris, 2017, 108 p. — 12,00 €.