Perrin Langda n’hésite jamais à prendre le chemin le plus court pour grimper aux montagnes, quelle qu’en soit la nature : glace Belledonne au « sommet de sucre et rivière de menthe », « chicots tout blancs comme sommets enneigés », Miss sports d’hiver et son “immense domaine friable”. Bref, le poète s’affranchit des avalanches narratives afin de proposer sa focalisation différente sur le monde. Dans chaque vignette, les mots sortent du cadre réaliste dont ils s’inspirent pour faire valdinguer les choses vues.
Le poète n’est pas de ceux qui comptent ses strophes, le nombre de pieds de ses vers, la longueur de ses poèmes. D’où leur charme et leur drôlerie en cet exercice de rapidité. La poésie propose une focalisation et une fantasmagorie particulières non sans une certaine précision afin de faire sauter les gonds de la simple évocation. La désinvolture apparente propose une subjectivité qui enlève au réel sa superficialité.
Exit les épanchements de synovie affective. L’auteur rappelle Brautigan dans sa manière d’évacuer le lyrisme. La fonte du réel gicle loin des miroirs de l’ego afin de donner un air plus léger au chaos. « L’être-là » glisse au-delà des pistes balisées. Le charmant remplace le décoratif par des jeux formels de détournements où l’ironie demeure constante.
Elle accorde au réel un trou énorme. Il suffit de se jeter dans sa « purée de pois opaque » pour être délivré du poids de l’existence. Au besoin, en grimpant sur le télésiège du poème « sans rien avoir d’autres que ses skis de location au pied ». Plus tard, il suffit de godiller non pour descendre vers l’ocre des chalets mais regrimper sur les falaises du Vercors et ses alpages congelés comme Bashung le proposait dans des « fantaisies » que ne renie pas Perrin Langda. Bien au contraire.
lire notre entretien avec l’auteur : http://www.lelitteraire.com/?p=29576
jean-paul gavard-perret
Perrin Langda, Glace Belledonne, encres de Danielle Berthet, Editions de la Pointe Sarène, 96370 Mouans-Sartoux, 2017 –5,00 €.
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