A tous ceux qui, périodiquement, considèrent la poésie comme genre moribond, Miroslav Mićanović prouve combien, en sa « fiction », il peut prendre des chemins inédits au sein même de territoires très connus : le quotidien, le souvenir, le passé, les lieux d’apprentissage de l’enfance. Que ceux qui cherchent des “ clés ” à une histoire qu’ils voudraient bien ronde et vrombissante évitent un tel texte. Des enfants s’y baignent en cachette, des garçons sont en chasse et jouxtent des femmes suicidaires elles-mêmes proches d’un homme qui dort dans un roncier.
Le livre apparaît comme un champ de fouille de destins là où pourtant aucun mystère n’est révélé. Le poète croate est donc un conteur qui soumet le lecteur aux incertitudes volontaire de sa narration, entre autres à « Ce qui depuis longtemps n’est plus et ne sera pas. ». La poésie devient une manière de capter les traces les moins visibles, des fossiles de gestes. Par ce biais, il tente de remonter le temps.
Mais ne comptons pas découvrir des explications psychologisantes ou autres. L’auteur développe (ou concentre) un espace textuel afin de créer non seulement une trace, un parcours mais une adhérence à ce qui est devenu point de vie, point de mort. Reste la pénétration en une sorte de vide entre le cerveau et le crâne. L’espace de la poésie le remplit d’une poudre d’encre.
Ecrire revient à proposer des relevés et blessures en un processus de dissociation, d’ouverture des êtres. Ils resteront cependant tels qu’ils sont : des inconnus.
Jean-Paul Gavard-Perret
Miroslav Mićanović, Virgule d’été, L’Ollave, 2016 — 14,00 €.