Agathe Mirafiore, L’Insensé Young One

Agathe Mira­fiore : la par­tie pour le tout

Chez Agathe Mira­fiore, la syn­taxe du corps est en verve mais elle se cultive néan­moins par l’ordre de la caresse et de l’allusion. Les méandres du corps créent uni­que­ment des pré­somp­tions. La pho­to­graphe vise à la fois à ras­sem­bler et défaire un monde. Il ne s’agit pas pour autant d’un pré­cis de décom­po­si­tion. La chaîne visuelle est obte­nue par une ato­mi­sa­tion du corps au sein du fémi­nin. D’une pho­to­gra­phie à l’autre se construit une ryth­mique capable d’atteindre un point de capi­ton par­ti­cu­lier.
La créa­trice sait qu’il existe une zone dans l’esprit humain qui ne peut être atteinte que par la pho­to­gra­phie. Celui où la femme — modèle ou concep­trice — com­pa­rable à L’innommable de Beckett pour­rait affir­mer : “Il faut conti­nuer, je dois conti­nuer, je ne peux pas conti­nuer, il faut conti­nuer”. D’où cette série qui res­semble à une éter­nelle quête.

Les images ren­forcent l’épuisement poten­tiel même si le schéma vital du corps reste un acte majeur de résis­tance per­cep­tible et peut-être inex­pli­cable. Elle devient la chose la plus simple et la plus mys­té­rieuse qui soit au moment où l’artiste pro­pose une femme dans une forme d’émotion et lorsque s’ouvrent des tra­jets secrets sur divers pans de corps là où le silence parle encore le silence.
Mais ce silence au fond de qui ? Au fond de quoi ? Cette double ques­tion reste sans réponse. Elle met en « marche » néan­moins l’Imaginaire là où la seule recherche féconde est une exca­va­tion en des images de bri­sures, de dis­jonc­tions mais aussi de conver­gence. La vie et la pho­to­gra­phie deviennent inin­ter­rom­pues, conco­mi­tantes. Non pour une pro­me­nade mais une médi­ta­tion. Une attente, une espé­rance aussi, proches l’une de l’autre, proche de celle ou celui que l’artiste comme son modèle cherche ou attend. Avec sa dou­ceur qui fas­cine et — qui sait ? — son plai­sir qui tue.

Chaque frag­ment d’images est capable de sou­le­ver le voile de l’existence là où la sil­houette semble sou­te­nir une étrange aisance à être peu. Dans ce cor­pus mor­celé et lacu­naire, le corps oppose sa den­sité au glis­se­ment du temps au sein d’un jeu d’ombre/lumière qui fait toute chose se déployer. Ne connais­sant pas de repos, la femme avance. “Au fond je n’ai jamais été nulle part”, semble-t-elle mur­mu­rer. Mais elle n’appartient qu’à ce qu’elle porte en elle.

jean-paul gavard-perret

Agathe Mira­fiore, L’Insensé Young One, Cor­ri­dor Ele­phant Paris, Publi­ca­tion Fisheye Maga­zine, 2017.

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Erotisme

One Response to Agathe Mirafiore, L’Insensé Young One

  1. Cyril Anton

    Très bel article à la hau­teur du tra­vail d’Agathe Mira­fiore, cher Jean-Paul.

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