Lucie Linder & Gabrielle Jarzynski : récits plastiques
Lucie Linder et Gabrielle Jarzynski aiment brouiller les pistes voire changer de peau au sein d’étranges montages qui deviennent des « collages physiques » entre la peau et le textile. Photos, installation sonore et visuelle deviennent une fabuleuse idée où s’inventent divers hiatus dans les figurations que les créatrices y introduisent. Il ne s’agit plus de faire prendre des vessies pour des lanternes. Le “corps objet” prend un sens particulier par fouilles et reprise, hors de raisons cathartiques, morales, psychologiques. Les créatrices s’amusent avec les images mais afin qu’elles restent gravées dans notre mémoire par des constructions mentales susceptibles de casser les identités fantasmatiques.
Les deux créatrices donnent au corps exhibé de la femme la consistance d’un organe plein où, par la conversion de l’image, émergent le réalisme de la nuée déchirée et la clarté déchiffrable. Elles éliminent l’idée d’une nature féminine, douce, fragile, faible et qui doit être protégée par un homme puissant et viril. Par ces « récits plastiques », le voyeur est comme devant des bijoux, ravi. Mais il n’est plus ravi devant de tels bijoux.
Autour d’eux louvoie une forme de volupté. La femme est charnelle, imposante et sévère. Mais l’œuvre ouvre la faille de l’absence. Le désir reste celui que l’image ne comble jamais. Mais elle fait mieux : elle l’enchante. Reste l’attente, un rire amusé par effet du temps plus ou moins revenant. Les créatrices l’entourent mais ne ferment jamais son cercle. Il devient même l’arête vive d’un seuil du corps que le présent conjugue.
Surgit l’infusion effrontée, téméraire, palpée sous les pores de la peau impérieuse, mi-rosée mi-perle, mi-nymphe mi-soleil, mais surtout la chair appétissante qui transgresse ses saisons de son tanin sur une plage qui n’a rien des standards hawaïens.
lire notre entretien avec Lucie Linder
jean-paul gavard-perret
Lucie Linder & Gabrielle Jarzynski, La Mue, Point Éphémère, Paris,du 16 au 29 mars 2017,