Jessica Zuan, L’orizi/La tempête

Une marche for­cée au cœur de l’existence

L’édi­teur de ce livre éton­nant a ren­con­tré son auteure à Carouge, dans une piz­ze­ria. Il écrit à ce sujet : « Jes­sica venait de Bar­ce­lone où, grâce au doux choc du cata­lan, gagnée par la fer­veur d’un peuple fier de sa langue, elle avait retrouvé, en exil, tout au fond de son être, ce ladin natal, son idiome puter de Sils-Maria ». L’auteure lui a pré­senté son  Orizi  en une sorte de manus­crit ou pré-édition illus­trée par une amie. A l’époque, en dépit du goût de l’éditeur pour le Romanche, Samiz­dat  était incer­tain. Mais le « mal » était fait, l’éditeur était séduit par ce lan­gage antique exo­tique et revi­sité  par une femme du nou­veau mil­lé­naire.
La force du livre tient à ce qu’il se refuse à n’être qu’un arti­fice du désir en pro­je­tant dans les mots un cer­tain rêve d’existence auquel la vie ne peut répondre. En ce sens, il est un refuge par­ti­cu­lier. L’aventure du lan­gage reste pour l’auteure une aven­ture essen­tielle, exis­ten­tielle. Elle ne cherche pas à atti­ser des tem­pêtes émo­tives super­fé­ta­toires. La sienne est d’un autre ordre. Et si l’écriture n’en sauve pas, elle fait « avan­cer » contre l’enlisement et l’accident de l’existence.

Pour l’auteure, l’écriture doit sor­tir de tout aspect nar­co­tique. C’est pour­quoi, à sa manière, la poé­tesse, en ce retour à une écri­ture pre­mière, est proche du radi­ca­lisme des poètes new-yorkais du temps. Et ce, tant par son écri­ture que sa vision de l’existence. A la magie elle pré­fère un réel par­ti­cu­lier. Les mots ne conduisent pas à une dupli­cité avec une acti­vité pure­ment men­tale : la marche « en forêt » est une marche for­cée au cœur de l’existence.

jean-paul gavard-perret

Jes­sica Zuan,

- L’orizi/La tem­pête, ver­sion bilingue, puter (romanche de Haute-Engadine) — fran­çais, Edi­tions Samiz­dat, Genève 2017, 64 p.

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