Dolores Dorantes est une poétesse mexicaine qui vécut à Ciudad Juárez où elle a coordonné la Commission de Documentation et d’Etudes Féminines avant de s’exiler à Los Angeles comme réfugiée politique suite à son engagement contre le féminicide de Ciudad Juárez. Dans cette ville à la frontière avec les Etats-Unis depuis la fin des années 90, une épidémie de meurtres de femmes s’est déclarée. Des corps de jeunes filles, mutilés, portant des traces de sévices sexuels, ont d’abord été découvert dans «la ville qui tue les femmes». Puis de 1993 à 2013, 1 441 crimes de ce type ont été commis et noyés dans la violence généralisée.
Style ramène à cet épisode de manière astucieuse et subtile. Au début, tout semble anodin : le choeur de voix féminines s’adresse à un « maître » sous couvert d’en faire la louange. Mais peu à peu le rideau se déchire. Jaillit le Mexique d’aujourd’hui où se déchaîne la violence faite aux femmes.
Tout se joue dans l’allusif entre réalisme et imaginaire pour mettre à jour l’horreur du «féminicide de Ciudad Juarez». L’œuvre est lyrique et puissante. Le texte est majeur dans sa syntaxe. Les émotions se déploient dans une ligne sémantique particulière dans laquelle jouent autant la phonation que le sens. Le propos échappe au simple désir de narration sans cesse sortie de ses gonds pour aller vers le chant et un appel afin de sortir un état de ténèbres.
Au-delà de la contextualisation surgit le désir de « trans-fixer » le réel afin de franchir la frontière du réel et de transformer le sort des femmes mexicaines.
jean-paul gavard-perret
Dolores Dorantes, Style, traduit par Cathy Fourez, L’Arbre à Paroles, collection : iF , Amay, 2017, 77 p. — 10,00 €.
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