Anne-Sophie Subilia, Parti voir les bêtes

L’enfer, c’est les oiseaux

Le second roman d’Anne-Sophie Subi­lia répond à la nos­tal­gie de l’époque et à bon nombres de pon­cifs du roman d’amour pour clients des maga­sins La Vie Claire. Tout y est buco­lique et en oppo­si­tion aux tra­cas de l’époque. Face au béton, il y a d’abord l’appel de la forêt et ses grosses bêbêtes. Pour en par­ler, l’auteure s’adresse à son héros avec un « tu » moins intime qu’il pour­rait sem­bler : il sent la figure de style plus que la néces­sité géné­rique. Fra­gile et en colère, le héros est aga­çant. Non seule­ment il est un peu âgé pour la crise d’adolescence (plus proche de celle d’obsolescence) mais sa pos­ture — peu « rac­cord » avec son temps — tourne à la démons­tra­tion.
Il en va de même lors de son glis­se­ment sen­ti­men­tal même si à force de s’isoler, le héros apprend que la nature a des rai­sons qu’il ignore. Mais le Robin des bos­quets, le Robin­son Cru­soe de la Gloye et de sa mare au diable est sou­dain visité par l’amour. Il est enfin enchanté et qu’importe après tout si la cam­pagne est en chantier.

Tout reste tiré par les che­veux. Pour preuve, il suf­fit de la coif­feuse du vil­lage afin que la vie devienne indé­fri­sable à celui qui n’émettra son pré­nom qu’à la fin du livre (c’est le seul sus­pense du livre). Il le pro­nonce devant les vaches. Aussi indif­fé­rentes à cet aveu que le lec­teur, elles pré­fèrent regar­der les trac­teurs à défaut de trains. Elles sau­ront néan­moins que le saint patron dont le héros porte le nom tient comme lui une scie de menui­sier d’une main, un livre de l’autre. Mais ici le livre lui-même devient scie.
Pour le célé­brer, cer­tains ont réqui­si­tionné Jui­lien Gracq et Vir­gile. On a évité Ramuz : c’est ras­su­rant pour le grand écri­vain hel­vète. Car un dépit de vou­loir sou­li­gner le désastre que la civi­li­sa­tion porte à la nature , l’auteure ignore les forces tel­lu­riques et pri­mi­tives qui animent les héros de Ramuz.

Le livre d’ Anne-Sophie Subi­lia est plus proche de Saint Fran­çois d’Assise et de son amour des oiseaux. Mais à la pro­po­si­tion de la roman­cière « l’Enfer est sans oiseaux » peut se sub­sti­tuer l’idée que l’enfer de de roman de gar(rigu)e est pavé de bonnes inten­tions. L’auteure nous les assène en nous pre­nant pour des buses voire des din­dons d’une farce éco­lo­gique insi­pide. La lit­té­ra­ture bio a ses limites.

jean-paul gavard-perret

Anne-Sophie Subi­lia, Parti voir les bêtes, Edi­tions Zoé, Genève, 2017.

 

 

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Filed under On jette !, Romans

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