Raphaël Enthoven, Little Brother

Le pen­seur de rondins

La voi­ture à pédales narrato-philosophique rouge Fer­rari d’Enthoven, le pom­peux pom­pier, fonc­tionne à pleins jar­rets en une com­pul­sion de puis­sance. Son logos met moins en exergue les notions de dépla­ce­ment et de dan­ger que le désir incons­cient de plaire par un haut degré de péné­tra­tion dans l’air du temps. Tel “Le Bam­bino” de Dalida, il gratte sa man­do­line à concepts pour se livrer à des pré­ludes, sti­mu­la­tions et simu­lacres pata-philosophiques propres à se faire pâmer des épou­ser délais­sées et les concu­bines en attente. Les unes et les autres aiment à trem­per les doigts dans la confi­ture phi­lo­so­phique du faux dandy pour sup­por­ter le spec­tacle rou­ti­nier de leur exis­tence.
Par l’immobilisation dans le cock­pit de la voi­ture à pédales, Entho­ven s’invente en per­son­nage de fic­tion en ce qui tient, sous forme de réflexions para-philosophiques, d’un cinéma per­son­nel de fau­bourg mais de vrai bour­geois. Mi-Tarzan et mi-Fangio, Entho­ven échappe juste ce qu’il faut à la ratio­ci­na­tion afin de créer des mou­lages par­ti­cu­liers.
Sous pré­texte d’un espace excen­tré et mobile, son savoir reste cen­tré et immo­bile. Mais le phi­lo­sophe en Ber­lutti sait jouer le gar­çon­net qui nour­rit de rêve le méca­nisme men­tal de ceux qui croient tou­cher là à la phi­lo­so­phie en tant qu’ultime vertu ou berlue.

Les lec­trices rêvent de prendre sur leurs genoux non seule­ment le livre mais son auteur. Moïse sor­tant de l’eau, il fait tout afin d’attiser leur pas­sion en ren­dant la phi­lo­so­phie plus lisible qu’un roman de Delly (pour les plus âgées d’entre elles). Son Gini plus gazeux que phi­lo­so­phique fait prendre l’auteur pour un génie.
Dans le for­mi­dable cor­tège humain des média­tiques, l’auteur reste donc un prince sans rire dont la foule d’admiratrices est de plus en plus com­pacte. Quoi de plus nor­mal : sa phi­lo­so­phie por­table est un masque de car­na­val. Les Péné­lope d’Ulysse voire de Fillon font de l’histrion leur Pier­rot d’amour et les bûche­rons leur pen­seur de rondins.

jean-paul gavard-perret

Raphaël Entho­ven,  Lit­tle Bro­ther, coll. Blanche, Gal­li­mard, Paris, 2017.

1 Comment

Filed under On jette !

One Response to Raphaël Enthoven, Little Brother

  1. Guillaume Basquin

    Bien sûr, je jette…

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