Le héros, forcément, est jeune, insouciant, il aime l’alcool, les drogues
Peut-on parler de romantisme désuet ? Ce roman d’Henry Parland, auteur mort dans la fleur de l’âge, présente une œuvre de jeunesse rassemblée et finalisée après de nombreux remaniements.
Ce livre écrit en 1929, un an avant la mort de l’auteur, est comme un “antipasti” littéraire, une sorte de hors-d’œuvre qui nous laisse sur notre faim. En effet, le talent s’infiltre parfois, mais il manque de maturité et l’on sait d’entrée de jeu qu’il n’aura pas la possibilité d’éclore davantage… Hélas donc, nous manquerons le plat principal…
Dés les premières pages nous retrouvons l’ambiance et le style d’une époque. On lisait Thomas Mann, Maïakovski, Strindberg… Les souhaits d’une avant-garde qui se veut moderne et novatrice, qui souhaite introduire effectivement de la modernité en tout et surtout en littérature, s’expriment en balbutiements dans cette œuvre d’adolescence.
Les éditions Belfond ont d’autant plus ressenti ce besoin de tisser la modernité qu’ils ont adjoint au livre un petit fascicule de poèmes, Grimaces, publiés en 1929 grâce au soutien de Gunnar Bjôrling, chef de file dudit courant moderniste.
Fallait-il appuyer davantage encore sur le trait ? Sans doute, cela nous apporte cette touche mélancolique qui manque au roman. Celui-ci est plutôt froid, dessinant le portrait d’un jeune homme habitué aux mondanités de son époque, introduit dans les cercles privilégiés d’une élite littéraire, la plupart du temps sûr de son talent et parlant d’amour alors que son caractère et son éducation le portent à une misogynie caractérisée.
Cependant, la structure de l’histoire est intéressante. Car Henry Parland invente - construction, déconstruction.
Le sujet même du roman est celui d’un jeune homme qui revient sur une aventure passée. Une aventure pleine d’amertume car la jeune fille dont il s’agit est morte. Henry Parland utilise alors le subterfuge d’une photo pour revenir sur son histoire, ses souvenirs. Retracer le fil de cette romance et y trouver un sens. L’a-t-il aimée ? Était-ce une passade ? De quelle manière cette histoire l’a-t-elle imprégné ? Henry Parland parle davantage de lui car c’est un examen de conscience qu’il nous propose.
Bien évidemment, nous retrouvons au travers des traits du héros de nombreux points autobiographiques. Ce jeune auteur manque quelque peu de matière, d’expérience, et ne peut mettre à profit que son propre fond de commerce : lui-même. En cela, la teinte du roman exprime cette époque des années 20, ce désespoir mêlé de quête vers l’absolu, cette sourde envie de révolution, de changement, ce besoin d’innover, de faire partie de l’histoire, alors même que le quotidien distille le désenchantement.
On peut donc se laisser emporter, lorsque l’on aime cette ambiance quelque peu surannée. Le héros, forcément, est jeune, insouciant, il aime l’alcool, les drogues. Il aime se détacher de tout et principalement des contingences matérielles. Il est désargenté, et porte en lui cette dépression sentimentale propre à sa génération.
Il revient sur un amour passé et explore ses propres sentiments autant que le profil de cette jeune femme, qui lui ressemble tant. L’on pourrait déplorer que dans cette analyse, Henry Parland soit quelque peu en mal d’équité, car en somme, il dépeint mal cette jeune femme et son portrait manque de subtilité. Le trait d’une éducation qui tendait alors à considérer les femmes comme des porte-faix, est trop perceptible.
Çà et là dans le roman le lecteur peut se trouver face à quelques exercices de style périlleux qui font sentir la verdeur de l’auteur et le rendent un peu scolaire, mais dans le même temps, son talent et son audace littéraire séduisent. Sa jeunesse s’érige en vertu, figure de courage, étendard d’une nouvelle génération d’auteurs, porteuse d’espoir et de génie. Un héros mort trop tôt, un fruit vert dont la venue à maturité promettait d’être miraculeuse. Voila le sentiment épars qui se dégage au fil des pages.
Le lecteur est en présence d’un auteur qui porte en lui un véritable talent, mais le roman lui-même n’en reste pas moins un premier essai avec ce que cela contient de gaucherie.
karol letourneux
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Henry Parland, Déconstructions (traduit du suédois par Elena Balzamo), Belfond, août 2006, 172 p. — 19,50 €. |
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