Un polar qui n’a rien à envier à ceux venus du froid
L’horreur n’existe pas qu’au fond de forêts profondes par des nuits sans lune. Elle est aussi bien rurale qu’urbaine. Avec Motorcity, Sylvain Runberg signe le scénario d’un pur polar musclé dans un pays bien propre où les populations font preuve d’urbanité et vivent en harmonie. Pour donner un cadre peu commun à son récit, il place celui-ci au cœur du mouvement raggare. C’est une culture spécifiquement suédoise née après la Seconde Guerre mondiale lors de la reconstruction de l’Europe par le plan Marshall. L’Amérique des années 1950, les voitures aux chromes qui scintillent et le rock’n’roll constituent l’essence du mouvement.
Ce lundi matin, lors du traditionnel café-briefing, le commissaire présente Lisa Forsberg, nouvellement diplômée de l’école de police de Stockholm, qui rejoint les équipes. Elle revient dans sa ville natale où elle fut une adolescente rebelle adepte de l’univers “raggare”.
Robert, un vieil inspecteur est sur la piste de trafiquants de cannabis et espère bien faire un “flag” dans pas longtemps.
Depuis la veille au soir, les parents d’Anton Wiger ont signalé la disparition de leur fils. Ils sont sans nouvelles depuis plusieurs jours. Le commissaire désigne Erik pour s’occuper de l’affaire et propose que Lisa fasse équipe avec lui. Robert se félicite : “Bon débarras s’il a disparu. Cette petite racaille nous emmerde depuis qu’il est môme.” Il ajoute, en souriant, que Lisa doit savoir qui est Anton. La visite chez les parents permet de saisir le contexte et de connaître ses relations. Anton n’aurait jamais manqué le festival Motorcity qui débute. Il a rénové sa Pontiac pour l’événement. Les parents livrent quelques pistes : Magdalena Enström, sa petite amie, qui travaille dans la pharmacie de la bourgade et Kent Nyquist, son meilleur ami, qui s’occupe de l’organisation du festival. La jeune pharmacienne n’a pas de nouvelles mais ne semble pas inquiète car il lui arrive de partir en virée sans prévenir personne.
Peu à peu, les témoignages se font troublants, laissent apparaître des zones d’ombre dans la vie du garçon.
L’auteur place dans ce cadre du raggare une jeune femme qui a beaucoup fréquenté ce milieu, qui connaît des individus qui sont encore dans cette démarche. Elle a changé d’orientation. Si elle le vivait de l’intérieur, maintenant c’est en tant que représentante de l’ordre qu’elle est perçue et traité comme telle. Et puis les secrets sont partout. Sylvain Runberg mêle adroitement un courant ouvert vers la consommation de drogues, des traumatismes qui ne demandent qu’à resurgir, une spirale de la violence pour signer un scénario fort au final particulièrement riche en rebondissements.
Philippe Berthet, égal à lui-même donne un dessin sans faute, un trait si précis que chaque vignette est un tableau. Motorcity réunit une belle histoire, un beau graphisme dans un bel album. Que faut-il de mieux pour qu’un lecteur de bande dessinée soit heureux ?
serge perraud
Sylvain Runberg (scénario), Philippe Berthet (dessin), Dominique David (couleurs), Motorcity, Dargaud, janvier 2017, 64 p. – 14,99 €.