Martin Veyron est parti de Tolstoï pour créer un conte philosophique à la mode néo-réaliste soviétique du moins par l’esprit (et un peu aussi par le style). Brecht de « Combien coûte le fer ? » n’est pas loin. Le dessinateur refuse la caricature au détriment du roman adapté. L’album se veut « beau » mais demeure sans beaucoup d’intérêt.
L’album renoue avec un genre qui est à l’opposé du genre — du moins tel que l’auteur de ces lignes s’en fait l’idée. Martin Veyron présente un livre de leçon de morale grand public. La mise en scène est théâtralement impeccable dans les jeux de vignettes réduites ou de pages à plan unique. Tout répond formellement à des critères classiques sans grand intérêt.
La narration devient un exercice où l’aquarelle se veut paysagère à souhait. La maîtrise est là, tout est parfaitement lisse dans cette réflexion sur le capitalisme et le communisme. Le tout de manière laborieuse. Rien de « barré » : à l’inverse l’album est beaucoup trop sage pour porter les problèmes à une acuité suffisante et ouvrir un regard impertinent. Certes, Veyron ne trahit pas Tolstoï. Mais toutes les ambiances manquent d’envergure. Le dessin ne crée rien, au mieux il commente. C’est donc dans l’air du temps et ne mérite au mieux qu’une attention distante.
jean-paul gavard-perret
Martin Veyron, Ce qu’il faut de terre à l’homme, Dargaud, 2017, 144 p.