Louise Warren, au fil du temps et de son travail, ne contredit jamais le fait d’exister. Qu’on se souvienne sur ce plan, de ses vers déjà anciens : « je vis très fort et ne néglige rien qui vient du ciel/ je suis consciente de ma patience, de mes déplacements/ de la laine sur mes doigts/ des récipients de silence quand les fruits noircissent ».
Mais ne restent peu à peu que des fragments d’histoires — et d’images du moins. Ce sont néanmoins des bouées de survie. Il faut continuer, la lutte pour la vie se poursuit, reprend : «Le point / démarre l’espace / monte / descend // soulève le mot / le porte ailleurs //allées et venues ». Le texte plonge dans ses creux puis s’érige à nouveau dans une forme de sensualité pudique.
Le plus petit espace crée l’instabilité, dénonce la parole trop développée, casse la probabilité des images, ouvre le monde jusqu’à son effacement. Un improbable crée une descente et une ascension. Et ce, au plus près de la vérité de l’être dans sa chair et sa pensée. Le poème se dégage de la réalité tangible sans pour autant refuser de s’amarrer à la terre dans un travail où l’épuisement et l’apparente pauvreté du langage a pour but de bien de viser à l’accomplissement de l’écriture. Demeure un rapport dynamique de lutte plus que de découragement face à la littérature qui se drape de nombrilisme.
Cette poétique dans ses glissement est donc essentielle. L’être trébuche, titube mais ne tombe pas. Il se reprend. L’oeuvre s’éloigne loin des données psychologiques ou sociales pour rejoindre un univers plus fondamental. A la manière de L’Innommable, Louis Warren reste déterminée et reprend à sa main la formule du héros beckettien : “Je ne me tairai jamais. Jamais”. Et ce, jusque dans la solitude physique qui n’empêche pas néanmoins le rapport aux autres.
La poétesse poursuit son travail de recouvrement face parfois à un doute existentiel. Elle sait le contredire par la charge sensuelle. Celle-ci jaillit désormais en infimes vibrations dans un changement d’échelle qui, au fil des livres, s’incarne pour approcher une qualité plus abstraite. Toutefois, le corps vibre. Il relativise la limite de l’abstraction par sa présence à laquelle l’auteure donne voix.
lire notre entretien avec l’auteure
jean-paul gavard-perret
Louise Warren, Le plus petit espace, Editions du Noroît, Québec, 2017.
Ravissement!
Les mots de Louise Warren sont comme des billes. Ils n’en finissent plus de se percuter les unes aux autres. Cela crée des libres associations qui nous permettent de jouer avec le sens pour notre plus grand plaisir