Les images de Zoé Gruni créent une forme de « vandalisme » concerté à travers ses multiples hypnoses fomentées. Contre l’empâtement des images médiatiques surgissent une volte-face et une inspiration opposée à leur production machinale. Le chanvre par exemple lui offre des ressources infinies. Il épouse la forme d’un corps, jusqu’à devenir une vraie personnalité, parfois reconnaissable (évêque, guerrier, épouse, juge…). Zoé Gruni crée des personnages interchangeables qui ont besoin de se raconter par des moyens et des langages différents. Ces œuvres sont devenues progressivement de véritables spectacles. Surgit un vertige plastique jouant sur des systèmes de permutations et d’orientations imprévues. Comique souvent, l’œuvre est audacieuse. Elle accomplit des miracles optiques en tissant tout un réseau de correspondances. Lequel libère des renaissances car le seul devoir de la créatrice reste de rêver la réalité.
Zoè Gruni, Segunda pele : híbrido, memória, reciclagem, Escola de Artes Visuais, Rio de Janeiro, du 7 mars au 27 juin 2017
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La curiosité. (La curiosità).
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Depuis l’enfance je rêvais de voyager, de devenir une artiste et une contorsionniste et je n’ai jamais oublier de rêver… (Da bambina sognavo di viaggiare, diventare un’artista e una contorsionista e non ho mai smesso di sognare…)
A quoi avez-vous renoncé ?
A devenir une contorsionniste. Car je ne suis plus aussi agile qu’avant… (A diventare una contorsionista, purtroppo non sono più snodata come una volta…
D’où venez-vous ?
Europe – Italie – Toscane – Pistoia. (Europa — Italia — Toscana – Pistoia)
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ai toujours écrit lorsque je n’osais pas parler. (Ho sempre scritto quando non ho osato parlare).
A quoi avez vous renoncé pour votre travail ?
A la stabilité économique et à un peu d’ennui sain… (Alla stabilità economica e a un po’ di sana noia…)
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Tout ??? Dans le fond comme chaque artiste et même comme tout individu. ( Tutto??? infondo ogni artista è innanzi tutto un individuo…)
Où et comment travaillez-vous ?
Je construis mes images afin de fonder ma propre mémoire à travers des éléments de l’imaginaire collectif à travers un processus multidisciplinaire composé de plusieurs phases : projet, travail manuel, performance et enfin documentation photographique et vidéo. ( Costruisco le mie immagini cercando di fondere la mia memoria personale con elementi dell’immaginario collettivo, attraverso un processo multidisciplinare composto da diverse fasi: progettazione, lavoro manuale, azione performativa e infine documentazione fotografica e video).
Quelle musique écoutez-vous en travaillant ?
Pendant la phase de projet j’ai besoin de silence pour aider la concentration mais au moment où je passe au travail pratique j’écoute de la musique rock. ( Durante la fase progettuale del lavoro ho bisogno di silenzio per aiutare la concentrazione ma nel momento in cui passo al lavoro pratico ascolto musica rock.)
Quel livre aimeriez-vous relire ?
« Le présent liquide » de Zygmunt Bauman ( « Paura liquida » di Zygmunt Bauman.)
Qui voyez-vous lorsque vous vous regardez dans votre miroir ?
Parfois une gamine, parfois une vieille femme, cela dépend de l’humeur… (A volte una bambina, altre volte una vecchia; dipende dall’umore…).
Quelles sont les tâches ménagères qui vous pèsent le plus ?
Toutes, elles abîment mes mains qui le sont déjà suffisamment ! (Tutti, uso le mani già abbastanza!)
Quels sont les artistes dont vous vous sentez la plus proche ?
Louise Bourgeois et Franz West ont été mes grands points de référence. Une rencontre humaine très importe fut celle de Carol Rama lors de ma thèse à l’Académie des Beaux Arts. Dans le panorama contemporain, je me sens particulièrement proche du travail de Barlin De Bruyckere. (Louise Bourgeois e Franz West sono stati per me grandi punti di riferimento. Un incontro umano molto importante è stato quello con Carol Rama, in occasione della mia tesi di laurea presso l’Accademia di Belle Arti. Nel panorama contemporaneo mi sento particolarmente vicina al lavoro di Berlinde De Bruyckere).
Que voudriez recevoir pour votre anniversaire ?
Le petit sac à main de Mary Poppins où toutes mes œuvres pourraient rentrer sans avoir besoin de recourir à FedEx ! (La borsa di Mary Poppins dove tutte le mie opere possano entrare senza bisogno di ricorrere a FedEx!)
Que défendez-vous ?
La dignité, le respect et la liberté de choisir sa propre existence. (La dignità, il rispetto e la libertà di scegliere della propria esistenza).
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Cela me convainc du continuer à travailler sur l’identité et sur le sens de « faute », j’espère tout doucement comprendre quelque chose de plus au sujet de ce grand thème. (Mi convince di continuare a lavorare sull’identità e sul significante “fallo”, sperando piano piano di capire qualcosa in più di questo grande tema…)
Enfin que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Simplicité et auto-ironie, ce qui est le plus difficile et fondamental. (Semplicità e autoironia, ciò di più difficile e fondamental.)
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 6 février 2017.