Pour Mélanie Leblanc, aimer ce n’est plus se regarder dans le miroir de l’autre mais risquer l’envers du moi. Le « nous » est un déchiffrement du désordre de soi en l’autre, de l’autre en soi. Il permet d’exister dans l’ombre que ce « nousage » porte. Mais rien n’est simple pour autant : « Je sais que tu es tout près – presque je vole – j’ai peine à respirer – ne restent que quelques pas – là derrière cette porte – je vais te trouver ». Tout devient une histoire de souffle, de peur, de presque souffrance et de plaisir immense. Si bien que le nous est brisé en deux morceaux : l’un est l’attente travaillée par le temps, l’autre est le temps qui se tourne contre lui-même. L’oeuvre devient le corrigé du passé plus ou moins revenant comme manque et accomplissement. C’est le mystère de ce que le « nous » devient à l’épreuve du temps.
D’où cet effet de vide et de trop-plein dans deux vies en suspens, là où les mots résonnent, perdus au milieu du blanc en l’appel d’un silence, d’une pulsation qui n’ont plus besoin de discours au sein du langage des corps. Et leur mutuel élan, leur roulis qui ne capturent rien mais condensent. Il faut donc penser ce travail de telle sorte que ce ne soit pas une pensée qui porte vers lui et rester en attente devant le rempart d’un monde premier.
Il faut glisser encore, glisser dans un tel texte. Comme à perte de vue et en tirer les conséquences.
lire notre entretien avec l’auteure : http://www.lelitteraire.com/?p=27970
jean-paul gavard-perret
Mélanie Leblanc, Presque je vole, Littérature mineure éditions, Rouen, 2017 — 8,00 €.