L’histoire de Sangre s’appuie sur l’accomplissement d’une vendetta, celle d’une petite fille qui veut venger les morts de sa famille et espère retrouver sa mère. Ils sont huit qu’elle veut retrouver, le ligat qui permettait aux écumeurs de fuir et les sept meurtriers qui ont décimés le convoi.
Une jeune femme torture un homme avec le jeu des mille coupures pour obtenir sept noms. Elle ourdit sa vengeance depuis dix ans, depuis qu’à sept ans, petite fille de paisibles vignerons, elle a vu son père et son frère assassinés, sa mère emmenée comme esclave par la Compagnie des Sombres écumeurs, une bande de pillards sans pitié. Elle a dû abandonner Loup son jeune chien.
Presque morte, elle a été recueillie par Dame Ydrelène de l’Ordre des Très Secrètes Dames immaculées qui l’emmène dans le Magistère d’Elm. Contre l’avis de la supérieure, elle veut la garder car elle a vu un Ligat, cette confrérie qui permet de se transférer d’un point à l’autre selon une succession de nœuds. Mais la petite paysanne est en butte aux persécutions des autres gamines, issues de la haute société. Lors d’une leçon, elle se fait piquer avec une aiguille par une des petites pestes. Exclue du cours, elle remâche sa colère et… découvre son talent : elle peut figer le temps pendant quelques battements de cœur. Mais la supérieure profite de l’incident pour la chasser du magistère. Sa professeure pense lui avoir trouvé un refuge chez un brave homme mais, en le voyant maltraiter un des enfants déjà recueillis, elle fuit. Elle vit alors dans la rue, en compagnie de Loup, qui l’a retrouvée et qui est devenu un fauve. Elle utilise son talent pour se nourrir. Elle espionne l’endroit où les ligats usent de leurs capacités à franchir les nœuds. Les années passent jusqu’à…
Christophe Arleston a conçu sa série en huit albums, le premier posant le cadre et exposant le parcours vers une première vengeance. On peut, sans trop se tromper, pronostiquer un album par assassin encore dans la nature. Le scénariste temporise le fil de son récit avec des scènes secondaires pour que la fillette devienne une combattante. Une pointe de magie avec le talent de la jeune héroïne, des intrigues secondaires autour de personnages présents dans le magistère permettent au scénariste de construire une intrigue fort plaisante avec, cette fois, peu d’humour. Il abandonne dans cet album le ton léger, les jeux de mots improbables, les blagues potaches qui ont fait le succès de ses précédentes créations.
Si les designs sont de Fred Blanchard, Adrien Floch fait merveille avec son dessin aux traits légers, fin avec toute l’élégance qui sied à cette histoire et tout le dynamisme des scènes d’action. Il donne des personnages expressifs, un bestiaire de belle allure et anime joliment une petite fille. Claude Guth, quant à lui, assure la mise en couleurs, un travail magnifique malgré son apparente simplicité car il sait jouer avec des dégradés, faire évoluer par touches infimes la chromatique de ses paysages. Optant pour des couleurs lumineuses, il donne un ton attractif, vivant à cet album.
Avec ce premier volet, Christophe Arleston accroche son lecteur et laisse supposer une série attrayante à souhait.
serge perraud
Christophe Arleston (scénario), Adrien Floch (dessins) Fred Blanchard (desings), Claude Guth (couleurs), Sangre - t.1 : “Sangre la survivante”, Soleil, octobre 2016, 56 p. – 14,95 €.