Jean-Pierre Gandebeuf est ouvert à l’humour à l’inverse de tant de poètes qui sont aussi fermés au rire que l’étaient les maisons closes. Le poète depuis la colline de Seynod (74) prouve que la vie n’est pas toujours légère. Comme ceux des femmes, ses dessous l’inquiètent. Mais pour autant, il sait donner au désir d’exister une alacrité en dépit des bêtes et leurs fourrures qui nous habitent.
Marins d’eau douce ou salée, nous vivons dans les porcs… Gandebeuf s’en amuse. Il ne cherche pas à nous apprendre à vivre ou à penser. Il fait mieux. La poésie naît dans la fièvre d’un cheval : et le poète se contente de remettre sa culotte à l’endroit.
jean-paul gavard-perret
Voici ce qu’a écrit le poète en réponse à l’interview du peintre Francis-Olivier Burnet présentée sur LeLittéraire.
Je suis enfin parvenu à capter le texte de l’entretien que tu as eu avec Jean-Paul Gavard-Perret.
Tu l’as fait en direct (avec transcription immédiate) ou en décalée ?
Quoi qu’il en soit, c’est sans gras, percutant, vivant et drôle.
Merci également pour le clin d’oeil. Je ne méritais pas.
Je note qu’il ne t’a pas dit :
Pourquoi peignez-vous ?
la phrase de W Allen :
« la réponse est oui mais quelle était la question ? m’incite à poursuivre un dialogue imaginaire sur le thème du pourquoi…
J’aimerais ajouter :
La question
ne se pose pas
elle se jette
donc à propos du pourquoi dont on nous rebat souvent les oreilles … ces quelques digressions…
Pourquoi pourquoi ?
D’abord « Le concept » pourquoi » a-t-il un fondement ? »
Pourquoi suis-je ici … à quelles fins ?
La carotte comme la rose ( voir Angelus Silesius) ou le pois cassé… n’ayant pas de pourquoi, on peut toujours s’interroger sur la métaphysique des légumineuses.
Si l’homme oublie la question, il n’attendra pas la réponse et en demeurera apaisé.
Certes, Homo veut connaître la vérité du sens qui tourne en rond en pivotant sur lui-même … mais c’est du lourd.
Il faut qu’ Ergaster soit persuadé de sa supériorité sur la carotte pour se prévaloir d’un dieu comme valeur ajoutée, la carotte nantaise riche en vitamine A, ne tirant aucune conclusion de son indignité de carotte et ne cherchant pas à savoir qui l’a faite reine.
La carotte appelle dieu : mon chou et personne n’y trouve rien à redire.
Primo : le concept de carotte est forclos quand les carottes sont cuites.
Deuxio : l’homme se débat dans un court-bouillon de pensées mort-nées où le concept d’un dieu réprobateur préfigure la fin des haricots.
Tout compte fait, Dieu, s’il exit, peut toujours s’adresser à nous et continuer à écrire à compte d’auteur des concepts où le monde des fleurs est le dernier de ses soucis et le monde des légumes une fiction maraîchère.
Du coup, la carotte, n’a pas lieu de se faire du mouron. Elle prend ce qu’elle veut, s’en accommode : un pot-au-feu, une salade aux yeux mimosa et ne demande pas à voir le jardinier, histoire d’ouvrir une discussion sur la prééminence de l’eau dans le fonctionnement du potager et du bouillon cube dans le bœuf mode sans non plus se préoccuper de savoir qui a commandé le casse-croûte.
Mettons donc « pourquoi « aux abonnés absents.
Comment ?
En le laissant mariner dans sa version ésotérique.
Mariner là ?
Absolument.
En vers napolitains ?
C’est exact.
Bref, le « « pourquoi » n’en fiche pas la rame. Puisque tout est là et que tout est dans tout, pourquoi s’en priver et vouloir absolument armer la question.
Si je prends une gamelle, je ne dis pas : « pourquoi » , je dis parce que … me doutant bien que c’est un caillou le responsable, voire une plaque de verglas et que l’un ou l’autre m’a fait trébucher mais sans intention avérée ni a fortiori pernicieuse. La plaque de verglas n’était pas malintentionnée et le caillou n’avait avec moi aucun différend intellectuel. Je ne vais donc pas lui jeter la pierre.
« Rien ne te met en mouvement » disent les Chinois, « tu es toi-même la roue qui roule d’elle-même et ne connaît pas de repos »
Tiens, tiens …
Donc le pourquoi ne sert pas à identifier la réalité qui n’a nul besoin du dieu Ra pour exister en tant que ‘pierre de Rosette’ mais bel et bien d’un égyptologue rompu à toutes les tribulations intellectuelles possibles, imaginables ‚susceptibles de découvrir le pot aux roses.
Encore une fois, la question du « pourquoi », ne tranche pas le pourquoi de la question.
Le pourquoi ne sert qu’à fossiliser une intuition qui n’a jamais rien demandé à personne.
Ceci étant, mon point de vue … n’est qu’un point de vue et non un panorama.
Amen
Lorsqu’on pose certaines questions à un moine zen, raconte l’écrivain helvète Maurice Chappaz, pourquoi ceci, pourquoi cela, quel est le principe ultime du Bouddhisme ?… le moine donne un coup de pied à un bidon ou montre un cyprès dans la cour. Il ne reste plus qu’à dissoudre la question dans la montagne.
lire notre 2e entretien avec le poète
On t’aime, Jean-Pierre, continue comme il y a 40 ans au D(é)L(ire). Ton sens irréfutable de la logique est admirable…
Amen
Je reconnais bien ton humour délicat et décalé toujours empreint de cette poésie qui ne te quitte jamais. J’espère que nous aurons l’occasion de nous reparler ou de nous revoir.
Amitié