Fusées est sous couvert d’une référence baudelairienne une brouette à bras qui cahote uniquement sur les voies du snobisme et du côté historiquement médaillé d’Auvers-sur-Oise. Son directeur a su y devenir le rassembleur d’un conglomérat de signatures. Celui-ci forme l’ouvroir du bien pensé poétique et plastique. Certains (Prigent, Dezeuze) sont dignes du plus grand intérêt, d’autres de parfaits faiseurs d’émollientes rémoulades.
Ce fut par exemple, et paix à son âme, le cas de Michel Butor. Ses textes en vers et contre tout resteront à la poésie ce que les postiches sont aux chauves. Par égard pour eux rien, ne sera dit des prétendus penseurs vivants qui se pâment dans cette gare d’Austerlitz, ce Waterloo de rose.
La revue est par excellence le lieu snob et clanique, sorte de Théâtre du Rond-Point provincial. Bref, la place toubib où serait soignée la poésie du temps. Elle est hantée de Trissotintins et mildiou. L’autocongratulation est permanente. Et le directeur a même fait sur son site la stalle des hommages de tous ceux qu’ils publient. Résumons : en un conclave permanent opèrent les diafoirusés de la littérature abbatiale et de cours. La revue est devenue le repaire des mètres penseurs vieillissants d’une modernité au pochoir et en fabrique d’éternité sous forme d’éther vague.
La littérature y est couturée en banalithé au laitance bio, l’art est découpé en fesse thon dans la pleine lune. Le non-sens se retire à mesure que le directeur cherche à épingler les noms aux effets-mères, les Duchamp d’honneur du nouveau siècle. Elle est la signalétique parfaite d’en être ou de ne pas être. Et s’il n’est pas question de jeter tous les bébés avec l’eau de ce bain, force est de contacter que, côté snobisme, nul n’a fait mieux. Le plus probant du prêt-à-penser et à-montrer reste en parfait ordre de marche, en orthogonalité ostentatoire. Sous le leurre de torsions, la rodomontade vintage a tout droit de cité.
jean-paul gavard-perret
Revue Fusées, n°22, Editions Carte Blanche, 2017.