Valerio Varesi, Le Fleuve des Brumes

Roman « fleuve »

Il faut tou­jours se méfier des livres et des films qui s’écoulent dans le brouillard. Ils sont sou­vent fumeux et maré­ca­geux. Dès lors, lorsque le fleuve sort de son lit et que ses rive­rains manquent de Pô par son débor­de­ment se devine, qu’en dépit d’une uni­vers spon­gieux, Bob l’Eponge ne sera pas de ce monde.
Les Ita­liens, à l’inverse des Fran­çais, ne sont pas avares de roman engagé et noir eu égard à l’Italie fas­ciste et ses che­mises d’une même cou­leur. Quant au com­mis­saire Soneri, héros de l’histoire, il n’a rien de la faconde qui colle aux idées toutes faites sur la nature volu­bile des trans­al­pins. Il est des plus tran­quilles, replié sur lui-même.  Appa­rem­ment, il manque de “Pô” même si la « pia­nura padana » lourde de ses silences reste son domaine.

Se retrouvent là les pon­cifs du roman poli­cier où — de Chand­ler à Sime­non –le poli­cier est tou­jours taci­turne tant il est  astreint à résoudre une enquête aux impro­bables indices Mais le Pô fait bien les choses : se reti­rant, il laisse appa­raître non seule­ment la clé de l’énigme mais les fan­tômes des hor­reurs char­riées par le fas­cisme et d’autres idéo­lo­gies plus récentes. Elles laissent encore leurs stig­mates chez ceux qui crurent à une marche inexo­rable vers l’aube où un coq rouge ou noir chante sur le fumier de l’histoire.
A défaut de ce jour et de son grand soir, tout se mêle à la boue mais reste, pour tenir, le vin pétillant de For­ta­rina, équi­valent ita­lien du bour­bon des romans noirs amé­ri­cains. Au milieu de ce maré­cage, et entre autres pon­cifs, vogue et vaque une femme libre : elle donne de son corps pour insuf­fler au com­mis­saire un regain de cou­rage. Quant aux sur­prises, elles ne manquent pas mais n’étonnent pas vraiment.

Bref, l’ensemble reste une aimable piquette qui se laisse boire. Du moins pour ceux qui cherchent en la lit­té­ra­ture un passe-temps aimable. Dans ce roman « fleuve » se res­sassent les vieille souillures du passé et leurs nappes de déter­mi­na­tion là où tout n’est piloté que par le mensonge.

jean-paul gavard-perret

Vale­rio Varesi,  Le Fleuve des Brumes  (“Il Fiume delle Neb­bie”), Agullo Edi­tions, trad. ita­lien Sarah Amrani, 2017, 316 p. — 21,50 €.

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