Moscatelli fait du membre viril — droit comme un i — l’image quasi biblique du manifestant. Il ne s’agit pas pour autant d’affirmer la force du mâle. Bien au contraire ! Réduit à ses parties congrues, il n’est qu’un foutriquet. Il se résume au statut de support de slogans qui battent la campagne. Hissé haut, son rôle est celui de faire-valoir. Pas de quoi grimper au rideau mais une manière de dire que, dans leur diversité les hommes, sont semblables et frères.
La pose phallique n’est qu’une parade pour montrer que, quelle que soit sa couleur, l’homme dans sa nudité appartient à la même nature au-delà de ses clans, croyances et pratiques.
Les slogans sont des appels à la fraternité. L’érection est donc symbolique. Dans la marée humaine cet étang de dards rêve d’un fleuve Amour puisque chaque manifestant éjacule des mots capables de boucher les trous du cœur. L’artiste multiplie les souhaits les plus simples, les lamentations banales. L’outil n’a plus rien d’un totem sacré. Il est là pour secouer certains tabous, refléter des inquiétudes imagées et verbalisées. Le tout dans l’esprit d’un autre Suisse : Ben Vautier créateur du mouvement Fluxus.
Le mat de hausse n’est donc pas là pour parader mais afin de se moquer de ceux qui, pour penser, prennent le bas (à résillance) pour le haut. La panoplie tubulaire n’a plus rien d’orgiaque. En conséquence la “testicularité” n’est pas à astiquer : elle n’est que la plus belle des farces afin de donner à la fable de sires et des circonstances une force nodale.
jean-paul gavard-perret
Ivan Moscatelli, Les Manifestants, Editions du Griffon, 2017, Neuchâtel - 45,00 CHF