Hamlet (William Shakespeare / Thomas Ostermeier)

Un hymne extra­or­di­naire à la théâtralité

Les comé­diens tiennent conci­lia­bule der­rière un voile en fond de scène pen­dant que le public s’installe. Un bruit de télé­phone, quelques notes sombres, Ham­let com­mence par son mono­logue en aparté. Le tableau des funé­railles appa­raît hal­lu­ci­na­toire : se dérou­lant sous nos yeux sur un sol de terre meuble, la pluie sur­git au moment où l’on pro­cède à l’inhumation. Cette terre labou­rée qui abrite le roi mort vient souiller les acteurs qui s’y roulent, en bouffent, y défaillent : elle est le champ du com­bat que chaque per­son­nage mène contre lui-même.
Un rideau de perles sert à sépa­rer le devant et le fond de scène, à pro­duire des effets de voile sur l’arrière-plan, à pro­je­ter les vidéos, dans un cli­mat de fête déjan­tée. Le por­tique auquel est sus­pendu le rideau, de même que l’estrade qui sup­porte la table d’un fes­tin sans cesse tourné en déri­sion, sont mobiles, fai­sant varier la dimen­sion des espaces scéniques.

Le grave et le funeste sont étroi­te­ment asso­ciés au cocasse et au bur­lesque, pour don­ner un spec­tacle baroque, aty­pique. Oster­meier fait de Ham­let une confla­gra­tion de tableaux alter­na­ti­ve­ment vio­lents, drôles et dra­ma­tiques. On assiste à une décla­ma­tion vio­lente et gro­tesque, menée sur un rythme effréné. Lars Eidin­ger se charge d’introduire des remarques impromp­tues. L’acteur vir­tuose, qui aura bien­tôt inter­prété trois cents fois le rôle, se per­met tout : cabrioles, incises dépla­cées, dia­logue facé­tieux avec le public. Reste la ques­tion de savoir jusqu’où il n’en fait pas trop.
Maî­trise de l’espace, musique effi­cace, inter­mèdes où d’étranges par­ti­cules s’animent d’un mou­ve­ment sto­chas­tique : on a affaire à un spec­tacle mature, gran­diose, qui se joue avec bon­heur et malice du mau­vais goût. Un Ham­let pos­sédé, vision­naire, fra­gile dans sa gran­deur, sublime dans sa fra­gi­lité. Même si la troupe semble don­ner à la repré­sen­ta­tion une teneur de plus en plus bur­lesque, cette inter­pré­ta­tion reste un hymne extra­or­di­naire à la théâtralité.

chris­tophe giolito

Ham­let

de William Shakespeare

Mise en scène  Tho­mas Ostermeier

Avec : Damir Avic, Robert Beyer, Lars Eidin­ger, Urs Jucker, Franz Hart­wig, Jenny König.

 

Schaubühne am Leh­ni­ner Platz /Berlin Tra­duc­tion : Marius von Mayenburg

Scé­no­gra­phie Jan Pap­pel­baum ; lumières Erich Schnei­der ; Cos­tumes Nina Wet­zel ; musique Nils Osten­dorf ; vidéo Sébas­tien Dupouey ; cho­ré­gra­phie du com­bat René Lay ; sur­ti­trage en fran­çais Uli Menke.

Les Gémeaux / Scène Natio­nale 49, ave­nue Georges Cle­men­ceau 92330 Sceaux 01 46 61 36 67

Du 19 au 29 jan­vier 2017 à 20h45, sauf le dimanche 29 à 17h, relâche les dimanche 22 et jeudi 26

Durée : 2 h 45. Spec­tacle en alle­mand surtitré.

Pré­senté dans la Cour d’honneur du Palais des papes, Avi­gnon, juillet 2008.

Repris aux Gémeaux, Sceaux, du 28 jan­vier au 8 février 2009.

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