Les comédiens tiennent conciliabule derrière un voile en fond de scène pendant que le public s’installe. Un bruit de téléphone, quelques notes sombres, Hamlet commence par son monologue en aparté. Le tableau des funérailles apparaît hallucinatoire : se déroulant sous nos yeux sur un sol de terre meuble, la pluie surgit au moment où l’on procède à l’inhumation. Cette terre labourée qui abrite le roi mort vient souiller les acteurs qui s’y roulent, en bouffent, y défaillent : elle est le champ du combat que chaque personnage mène contre lui-même.
Un rideau de perles sert à séparer le devant et le fond de scène, à produire des effets de voile sur l’arrière-plan, à projeter les vidéos, dans un climat de fête déjantée. Le portique auquel est suspendu le rideau, de même que l’estrade qui supporte la table d’un festin sans cesse tourné en dérision, sont mobiles, faisant varier la dimension des espaces scéniques.
Le grave et le funeste sont étroitement associés au cocasse et au burlesque, pour donner un spectacle baroque, atypique. Ostermeier fait de Hamlet une conflagration de tableaux alternativement violents, drôles et dramatiques. On assiste à une déclamation violente et grotesque, menée sur un rythme effréné. Lars Eidinger se charge d’introduire des remarques impromptues. L’acteur virtuose, qui aura bientôt interprété trois cents fois le rôle, se permet tout : cabrioles, incises déplacées, dialogue facétieux avec le public. Reste la question de savoir jusqu’où il n’en fait pas trop.
Maîtrise de l’espace, musique efficace, intermèdes où d’étranges particules s’animent d’un mouvement stochastique : on a affaire à un spectacle mature, grandiose, qui se joue avec bonheur et malice du mauvais goût. Un Hamlet possédé, visionnaire, fragile dans sa grandeur, sublime dans sa fragilité. Même si la troupe semble donner à la représentation une teneur de plus en plus burlesque, cette interprétation reste un hymne extraordinaire à la théâtralité.
christophe giolito
Hamlet
de William Shakespeare
Mise en scène Thomas Ostermeier
Schaubühne am Lehniner Platz /Berlin Traduction : Marius von Mayenburg
Scénographie Jan Pappelbaum ; lumières Erich Schneider ; Costumes Nina Wetzel ; musique Nils Ostendorf ; vidéo Sébastien Dupouey ; chorégraphie du combat René Lay ; surtitrage en français Uli Menke.
Les Gémeaux / Scène Nationale 49, avenue Georges Clemenceau 92330 Sceaux 01 46 61 36 67
Du 19 au 29 janvier 2017 à 20h45, sauf le dimanche 29 à 17h, relâche les dimanche 22 et jeudi 26
Durée : 2 h 45. Spectacle en allemand surtitré.
Présenté dans la Cour d’honneur du Palais des papes, Avignon, juillet 2008.
Repris aux Gémeaux, Sceaux, du 28 janvier au 8 février 2009.