Les compositions de Jean Passe créent des voix dans le silence. Elles ne sont pas sans rappeler une esthétique extrême-orientale. Existent autant l’épure et la fragilité qu’une force et un dynamisme jusque dans des masses grêles de paysages étranges. L’œuvre joue toujours sur les équilibres et les déséquilibres, sur la trace crépusculaire et la perte des repères mais pour qu’en germent d’autres. Surgit le “quark” de mythes encore ignorés qui remontent des profondeurs de l’inconscient. L’œuvre devient la mémoire de cet indicible visible par une technique, un métier. Ils donnent à chaque œuvre son rythme, à chaque présence le reflet de son fantôme. Celui-ci joue contre la présence, en devient la digression.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Les hiboux, le bonheur d’être à temps pour le lever du jour.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je ne me souviens jamais de mes rêves.
A quoi avez-vous renoncé ?
Aux talons hauts et aux ongles propres.
D’où venez-vous ?
Je viens d’une très belle histoire d’amour qui n’a pas eu lieu.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
L’endurance, comme une capacité à tenir la route, peu importe la route.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
J’ai plaqué une addition d’insatisfactions et de questions sans réponse. J’ai plaqué la bougonnerie.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
La joie de me réveiller en pleine forme le matin.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je ne sais pas, je sais pas bien ce que signifie “être artiste”, je fais mes choses.
Comment définiriez-vous votre approche du corps ?
Ce sujet me dépasse complètement. Encore un peu je préférais oublier l’interview pour échapper à cette seule question. L’approche du corps : pour l’instant, je morcelle et travaille à un devenir-paysage.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
La part manquante d’une pomme.
Et votre première lecture ?
Il n’y a pas de première lecture ou de lecture première, seule compte la traversée de l’histoire.
Quelles musiques écoutez-vous ?
J’aime bien les histoires, j’écoute des chansons à texte, j’emprunte à la bibliothèque des CD de livres lus.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je n’ai jamais relu de livres, mais j’ai chez moi, bien rangé tous mes livres lus.
Quel film vous fait pleurer ?
Tous les films me font pleurer, je pleure dès que possible.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
à part mon gros nez ?
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Jean Passe hésite un peu et ose tout.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Plus que des villes, ce sont “des” lieux qui pour moi ont valeur de mythe. Ils peuvent être fait de paysages comme de fragments de paysages. Ils sont multiples, de San Pedro de Atacama à la forêt verte à quelques pas de chez moi.
Quels sont les écrivains et artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Je me sens dépourvue de toutes notions de temps et de géographie. Du coup, je suis attirée par les auteurs et artistes qui se préoccupent, dans leur travail, d’insuffler du sens à ces notions.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Je sais pas.
Que défendez-vous ?
Je défends au chat de marcher sur mes dessins.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” et Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Le langage impose le malentendu.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 23 janvier 2017.