Us and Them : Jeanne Ménétrier
La photographe Jeanne Ménétrier est claire sur ses objectifs : « Je montre beaucoup de choses. Je montre tout ce qu’on ne montre pas d’habitude. Je montre ma féminité, pas celle dictée. Je montre aussi qu’on peut être pas féminine comme on le préconçoit tout en portant parfois du maquillage ou des robes ». Sortant l’image du cliché de manière dialectique, l’artiste illustre comment le « genre » peut se vivre en toute liberté et qu’il faut repousser toutes les oppositions qui stigmatisent et qui revendiquent des postulats de postures. Elles empêchent de « vivre sa vie » (Godard) comme un être humain le conçoit.
Jeanne Ménétrier le prouve à travers ses « selfportraits » (à ne pas confondre avec les selfies) comme dans ses portraits de ceux qui sont caractérisés par certains comme « malades ». Elle saisit « homosexuel(le)s, agenres, gender fuck, queers, femmes et hommes n’étant pas dans les normes binaires du genre, trans ou travesti(e)s », bref celles et ceux qui n’entrent pas dans les codes afin de montrer non leur « monstruosité » supposée mais leur normalité. Et l’artiste de préciser une évidence qui, hélas !, reste encore souvent à l’état de vue de l’esprit : « on a le droit d’être qui on est vraiment au fond de soi et […] ça ne devrait choquer personne. Parce que certains appartiennent à la catégorie la plus peuplée, ils devraient savoir mieux que les autres comment vivre son genre et sa sexualité ».
L’œuvre possède le mérite de ne pas chercher à jouer de photos chocs (à l’inverse d’un Mark Selinger par exemple). Elle montre simplement comment franchir les frontières, changer de corps, toucher à un plaisir, à une jouissance et non aux possibilités d’angoisse sinon pour certains regards passéistes dont les certitudes se voient interpellées par de telles traversées. L’artiste rappelle que le corps est incorruptible lorsqu’il s’ose à être ce qu’il est dans ses aspirations diverses en quittant la distribution des genres et des diktats.
S’accepter est toujours profitable. Au désir contourné, à l’empêchement se substitue la possibilité — hors culpabilité — de jouir d’être soi. Passer la frontière des considérations officielles permet d’exister et de sortir de l’isolement, du silence. Ce changement extrait de la pure illusion comme de l’errance et de la répétition.
jean-paul gavard-perret
Jeanne Ménétrier, Hen, soirée body-positive organisée du Scampi Club, La Mutinerie, à Paris, le 20 Janvier 2017.