Raphaël Haroche, Retourner à la mer

Icare au décollage

Etre bala­din du monde occi­den­tal et cise­leur de mots dans le for­mat chan­son, ne suf­fit pas à deve­nir d’emblée auteur en un cadre plus large. Les deux registres d’écriture impliquent des qua­li­tés bien dif­fé­rentes. Certes, Raphaël Haroche a limité le risque par la lon­gueur de ses pro­pos : il opte pour  la nou­velle (ou le conte) plu­tôt que de se ris­quer au roman.
Néan­moins, les por­traits enamou­rés d’un Her­cule vigile d’une salle de concert et d’une strip-teaseuse au ventre bala­fré, le couple d’un homme accom­pa­gnant sa vieille mère en conva­les­cence au bord de la Médi­ter­ra­née ou la com­pas­sion d’un bou­cher d’abattoir sau­vant un veau ne suf­fisent pas à créer un uni­vers. Tout cela se veut tou­chant, à fleur de peau et empreint d’humanité envers des êtres en déshé­rence. Mais l’auteur décline la tra­jec­toire des per­dants de manière sim­pliste. N’est pas Saint Exu­péry qui veut.

La nar­ra­tion en ses approches diver­si­fiées souffre d’un manque de souffle. La com­po­site des his­toires vou­drait pro­po­ser des voyages hyp­no­tiques mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Tout reste télé­phoné. A trop jouer sur l’émotion elle s’absente et fait pen­ser à la fameuse phrase de Nova­rina « Pour­quoi entrer avant de sor­tir ? ». C’est là une qua­dra­ture du cercle à laquelle l’auteur ne peut répondre.
Chaque nou­velle tente de créer un impres­sion­nisme médi­ta­tif très (trop ?) moral. Et on sait ce que Gide disait sur le sujet. Si bien que l’ambition demeure à l’état de vœu pieux. L’auteur s’y plante au sein d’un found foo­tage (recours à un maté­riau déjà exis­tant, per­son­nel ou emprunté) trop appuyé. Le nou­vel­liste est sans doute capable d’investir la lit­té­ra­ture mais il lui faut encore oser sor­tir d’un ter­ri­toire qui tient trop du motif émo­tion­nel pour la mise en abyme qu’il espé­rait produire.

Raphaël Haroche veut sans doute séduire et tou­cher. Mais le canal de la forme roma­nesque exige une voie dif­fé­rente de celle de la chan­son, fût-elle « à textes ». L’espace laby­rin­thique même de la voix n’y est plus la même. L’auteur appa­raît donc tel un Icare. Ses ailes ne sont pas suf­fi­sam­ment déployées pour déve­lop­per un monde abs­trait, tra­vaillé comme une toile en mou­ve­ment et pro­pice à l’évasion comme à la méditation.

jean-paul gavard-perret

Raphaël Haroche, Retour­ner à la mer, Gal­li­mard, collec­tion Blanche,  Paris, 2017.

2 Comments

Filed under Nouvelles, On jette !

2 Responses to Raphaël Haroche, Retourner à la mer

  1. Martin

    Aucune des nou­velles ne laisse une vrai émo­tion.
    Tout cela sonne creux, arti­fi­ciel­le­ment construit. Une mau­vaise pein­ture, un mau­vais cadrage, des situa­tions et des per­son­nages.
    La prose elle est aussi est déce­vante
    Très déçu, d“avoir dépensé 17€ pour cet ouvrage

  2. Porte - châtenet Claudine

    J’ai acheté ce livre sans appriori et sans savoir qu’il était écrit par le chan­teur Raphaël,
    Le ban­deau rouge ” Gon­court de la Nou­velle 2017 ” m’a sûre­ment atti­rée.
    Mais ma décep­tion fut grande …
    Les per­son­nages n’ont pas de consis­tance, ils laissent le lec­teur indif­fé­rent,
    ni empa­thie, ni haine res­sen­tie…
    Et sur­tout quelle noir­ceur, quel pes­si­misme tout au long de ce livre,
    sur­tout ne l’offrez pas à un dépres­sif vous ris­que­riez avoir son sui­cide sur la conscience !
    Mr Haroche êtes-vous si mal dans votre peau pour voir la vie sous un angle aussi sombre ?
    Clau­dine
    Décembre 2017

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