Dans l’œuvre de Cingria, la participation du lecteur est demandée dès les titres énigmatiques et étranges. Quant aux textes eux-mêmes ils possèdent une série de caractéristiques et usent de procédés qui visent à atteindre le lecteur pour l’obliger à participer à la (re)construction du logos là où la modalité d’écriture exploite certaines caractéristiques du « bizarre » pour ébranler son monde connu.
Dans Le Carnet du chat sauvage, le félin devient le narrateur.
Tellement aimé par Cingria, celui-ci le transforme en philosophe : il possède une carte d’identité, paie l’addition et possède une parfaite notion du temps. Bref, l’auteur projette son être et sa vision du monde sur cet animal comme il se transfère à travers lui dans le monde animal.
Le chat n’est plus seulement ce qu’il est souvent dans l’œuvre du Vaudois : à savoir une pièce de transition, un moyen de passer à autre chose. Il n’est plus la simple parenthèse féline et endosse une surcharge métaphysique ou transcendante. Et le jeu qui s’établit avec le lecteur fait de ce dernier partie prenante du spectacle fantastique créé par Cingria.
Toute son esthétique se base sur ce principe. Elle permet de jeter un nouveau regard sur le monde et de faire découvrir ce qui est accepté sous une tout autre perspective.
jean-paul gavard-perret
Charles Albert Cingria, Le carnet du chat sauvage, Illustrations de Alechinsky, nouvelle édition , Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2016, 48 p. — 12,00 €.