Le livre Two permet de faire le point sur une oeuvre présente dans les grands musées du monde : Metropolitan, MoMA, The Art Institute of Chicago, et le Getty de Los Angeles. Le thème du double est une des constantes de l’œuvre de Melissa Ann Pinney. Elle le saisit dans une suite de photos rarement provocantes, souvent drôles voire poétiques, pour approfondir l’essence de la dualité. Le même peut parfois et simplement s’y dédoubler. Sa force tient au refus de l’effet, du scabreux, de l’esbroufe. L’artiste y recherche des jeux de communauté comme simple acte d’existence : deux enfants qui jouent, deux vieillards amis, un père et son enfant, un couple homo, etc.
Dans tous les cas, les personnages semblent seuls au monde, comme déconnectés de la prise de l’artiste bien qu’elle soit habilement préparée. En absence de présence humaine, la dualité acquiert une poésie particulière : deux tasses de thé, deux chaises en automne : la lumière fait le reste. Ce n’est donc pas la narration qui importe mais son spectacle plastique insidieusement attachant. M.A. Pinney régénère la fiction en dévoilant au passage des crevasses insoupçonnées et des mirages sur lesquels les vies se construisent.
C’est pourquoi, si au départ l’anecdote paraît d’abord tenir de la « rampe » photographique, très vite celle-ci se révèle capable de suggérer la complexité qui gouverne les vies. La photographie d’apparence si tranquille ne cesse jamais de jouer et de travailler en profondeur.
jean-paul gavard perret
Melissa Ann Pinney, Two, Harper Design, 2017, 208 p.