Sous la direction d’Hervé Castanet, vingt auteurs (psychanalystes pour la plupart) explorent les « Destins du désir » à travers les modalités d’existence et l’actualité du concept. Tout demeure sous l’ombre tutélaire de Freud et de Lacan et de Jacques Alain-Miller. Leur pensée charpente la quasi-totalité des analyses de « cas » présentés sans que les auteurs cherchent à écrire un nouveau champ théorique sur la nature du désir.
Le “symptôme” est esquissé au fil des pages comme un « parlêtre ». Il fait la part belle à un « plus de jouir » (à différencier du plus à jouir) au moment où toutefois — et c’est ce qui manque dans l’ensemble — s’ébauche dans le monde un double un resserrement. D’une part le désir est écrasé par la jouissance, de l’autre il est voué aux gémonies par des mythologies rétrogrades mais résurgentes. Les religions grignotent le champ que voulait ouvrir la psychanalyse mais cela n’apparaît pas dans ce corpus.
A l’inverse, l’ouvrage fait la part belle au désir comme « instrument » vital. Et il est analysé afin d’approfondir ce qui le casse et le castre, signifié à travers des catégories cliniques connues et toujours opératoires ( hystéries, névroses obsessionnelles, psychoses). Mais les contributeurs ouvrent des champs à d’autres approches et puissances tel que le « ravage maternel » nommée la « comédie des sexes ». Une fois de plus, le rôle de la femme reste placé sous un joug lacano-freudien et leurs re-pères…
A côté de textes de clinique psychanalytique, le livre se complète d’autres approches du concept. Entre autres, avec Picasso et l’écriture, Jean Genet, Katherine Mansfield, Jorge Leon, Michèle Sylvander. Il s’agit de montrer le sens que prend le désir à travers les pratiques de créations et leurs effets (auto)miroirs. .
L’ensemble demeure néanmoins disparate et ressemble à une énième production de type « colloque ». Il manque entre autres ce que Castanet serait capable de proposer. Et plus particulièrement, ce que dit du désir de l’analyste son désir de produire des textes sur son travail clinique. S’agit-il de produire dans le désir énoncé un autre degré, une « differance » (Derrida) ? La question reste ouverte. A Castanet de s’en emparer après un ensemble qui en deviendrait le prélude.
jean-paul gavard-perret
Hervé Castanet, Destins du désir — Études cliniques, éditions Economica et Anthropos, Paris, 2016.