Dans des toiles monochromes (bleues, jaunes, rouges principalement), l’acrylique et l’encre avancent par écrasement et étalement selon une énergie subtile. Lorsque le noir apparaît, il est là pour animer la lumière. Sur la toile plus ou moins marouflée ou sur le papier, les traces glissent, d’autres se retiennent en une gestuelle qui chaque fois crée un vagabondage : la route marche elle aussi. Si bien que s’aventurer dans une telle peinture oblige à avancer prudemment au cœur de la matrice tout en y plongeant sans retenue. Plus question d’être en dehors. Même à moitié.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Des fourmis causées par les fruits de la passion
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ceux de l’enfance ont été réalisés à mesure. C’est la vie même des enfants (1). Ceux de l’adolescence, j’y travaille toujours.
A quoi avez-vous renoncé ?
Pour l’instant à rien d’important pour la construction d’une belle vie. Par contre, j’ai dû beaucoup renoncer au partage de mes enthousiasmes.
D’où venez-vous ?
Géographiquement ? Esthétiquement ? Culturellement ? Biologiquement ? Je choisis esthétiquement : je viens d’une certaine tradition, filiation, culture du dessin et de la composition en peinture, de la lumière picturale d’Ile-de-France et un goût de la mesure dans la passion bien françaises.
Qu’avez-vous reçu en « héritage » ?
Le trésor des grands créateurs les plus récents possible.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
Le plaisir de l’ennui bien connu des enfants. Et peut-être de faire une carrière de Casanova.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Eux seuls pourraient y répondre car pour moi je ne vois que le seul fait de m’appeler Daniel Lacomme qui me distingue objectivement.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
Je ne sais plus si c’est Corot ou Dali.
Et votre première lecture ?
Cronin.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Je suis amateur de toutes sortes de musique lorsqu’elles se font devant moi. En enregistrement, c’est toujours les classiques, les seuls assez solides pour être mis en boîte. La musique est mon second pays. J’ai été jusqu’à écrire vingt pages sur un certain mouvement de sonate.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“La Pesanteur et la Grâce” de Simone Weil. Sauf qu’il ne s’agit pas d’aimer mais de vouloir avoir tout compris. D’où une fréquentation continue depuis des années.
Quel film vous fait pleurer ?
« Sur la Route de Madison » Clint Eastwood/Meryll Streep
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Celui qui vieillit.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Pour l’instant pas de rétention épistolaire notable.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Pour moi tous les lieux sont magiques. Tous, ils sont comme un sanctuaire. Certains, très banals, m’obsèdent et reviennent souvent à mon esprit. Je n’arrive pas à croire qu’ils existent sans que j’y sois.
Quels sont les écrivains et artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Ecrivain : Giono. Artiste : Paul Klee. Musicien : Richard Strauss (il faut dire que je suis né le lendemain de sa mort…)
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une bonne surprise.
Que défendez-vous ?
Indépendance et liberté.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Typique de la perversité des psychanalystes.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Ce n’est qu’une pitrerie. W.A. a eu de bien meilleures saillies.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Avez-vous dix minutes à me consacrer pour un questionnaire ? J’aurais répondu oui, car ce fut un plaisir.
(1) Colette : “L’enfant malade” (!!!…)
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 7 janvier 2017.