Rodia Bayginot est une artiste généreuse et impressionnante. Elle sait créer le mystère par la perte des repères qu’organisent ses images et selon divers registres et matières. Restent des visages égarés sur la route du temps, des paroles en folie. Il s’agit de détricoter nos peurs. D’où l’appel par l’artiste des autres qui se cachent en chacun. Jaillissent d’autres histoires avec une autre fin des mots et des images dans leur vibration. Il faut écouter-voir l’œuvre, la densité de ses feuillages et sa liberté.
Actuellement l’artiste expose au Non-Lieu de Marseille. Et voir son site.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Elle est terrible cette question pour commencer… J’ai beaucoup de mal à me lever le matin quand je n’y suis pas obligée parce que je me couche tard. Comme j’aime la nuit, je n’aime pas me lever le matin ; même si je sais à quel point l’aube est un moment magnifique, je préfère en profiter dans mon lit.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Tu le crois si je te dis que non seulement je les ai réalisés mais que c’est encore mieux que ce que j’aurais pu espérer ?!
A quoi avez-vous renoncé ?
A essayer de plaire à tout le monde (maintenant, j’ai un peu honte d’avoir essayé)
D’où venez-vous ?
D’une enfance plutôt ennuyeuse car j’étais fille unique
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La créativité au quotidien. Chez mes parents, on gardait tout au cas où. Du coup, on avait toujours plein de trucs à portée de la main et on avait l’impression d’être riches. J’ai gardé le goût (et le besoin affectif) des petits bouts de rien et des gens de peu qui gardent tout.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Muesli du matin, balade avec mon chien, le 11h-12 h en hiver dans mon atelier quand la lumière est parfaite pour dessiner, me regarder dans la glace avec mes nouvelles lunettes rouges dissymétriques (un verre rond, un verre carré) et me marrer toute seule, etc.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je suis très heureuse que tu me poses la question, ça veut dire que je suis considérée comme une artiste, ce qui est pour moi vraiment précieux car j’ai beaucoup de considération pour les artistes… cette question est une reconnaissance de ta part …donc, j’aurais tendance à répondre que rien ne me distingue des autres artistes qui se rendent compte de la chance qu’on a d’être artiste.
Comment définiriez-vous votre approche du corps ?
Interrogative et exploratrice. Un chantier en cours. Des works in progress.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Sans doute une photo de famille représentant mon grand-père en soldat pendant la guerre de 14.
Et votre première lecture ?
Les fables de La Fontaine que ma mère adorait.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Kate Bush, Lou Reed, Patti Smith (des anglo-saxons dont je ne comprends pas toutes las paroles), Peter Gabriel, la word-music, j’aime bien Bernard Lubat et Minvielle, certains free jazz, les expérimentations vocales et sonores, la musique baroque parfois, Rachid Taha parfois aussi, Alanis Morissette, Carole King …
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Aucun sauf des recueils de contes.
Quel film vous fait pleurer ?
« Pleurer » dans le genre insupportable ? « Le choix de Sophie » que je n’ai pas pu regarder jusqu’au bout.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme qui rigole avec des lunettes dissymétriques
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Personne.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Un village perché du Monte-Négro dont j’ai un jour rêvé (je ne sais pas s’il existe).
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
La poëtesse Valérie Rouzeau, ainsi que les Dadas, les surréalistes, Klee.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un contrat avec une galerie qui vende mes œuvres régulièrement.
Que défendez-vous ?
Le respect des individualités, du savoir, de la connaissance. La liberté d’expression.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Quel pessimisme ! Quelle froideur ! Quel cynisme ! Ce n’est pas ce que je vis.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Lui, par contre, il est optimiste ! Et imprudent !
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Tu as oublié de me demander comment j’allais.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 6 janvier 2017.