Kressmann Taylor, Ainsi rêvent les femmes

Cinq por­traits de femmes à tra­vers cinq nou­velles au réa­lisme émou­vant, por­tées par une écri­ture très épurée

Après le très talen­tueux Inconnu à cette adresse, qui valut à son auteur une recon­nais­sance méri­tée, Ainsi rêvent les femmes est le qua­trième opus de Kress­mann Tay­lor publié post mor­tem (elle est décé­dée en 1997). L’ouvrage fait écho à Ainsi mentent les hommes, que les lec­teurs fran­çais purent décou­virr en 2004. L’auteur met en scène quatre femmes, toutes très dif­fé­rentes, et en dresse un por­trait émou­vant, juste et empreint d’un réa­lisme qui ne peut lais­ser indif­fé­rent. Toute règle ayant son excep­tion, le cin­quième et der­nier por­trait est celui d’un homme, aux prises avec… une femme. Cinq per­son­nages, cinq his­toires, cinq situa­tions que cha­cun — ou plu­tôt cha­cune - de nous a ren­con­trées ou pourra ren­con­trer un jour. Tel est le talent de Kress­mann Tay­lor : nous conter une his­toire, une fic­tion d’une manière si réa­liste qu’on ne peut s’empêcher de s’identifier aux per­son­nages. Des petites nou­velles indé­pen­dantes mais qui nous touchent tant elles sus­citent en nous des sen­ti­ments aigus - nos­tal­gie, pitié ou même pro­fond mépris.

Harriet, Anna, Ellie ou encore Madame, quatre femmes en deve­nir ou au cré­pus­cule de leur vie, confron­tées à des émo­tions diverses : la jalou­sie, la soli­tude et l’oubli, les pre­miers émois amou­reux ou l’inadaptation dans une société trop dif­fé­rente de celle où l’on a grandi… Qui n’a pas connu des sen­ti­ments de cet ordre une fois dans sa vie ? Qui n’a jamais eu l’impression d’évoluer dans un monde qui n’était pas le sien, qui ne s’est jamais senti seul au monde ou n’a dû effec­tuer un choix cru­cial qui allait orien­ter sa vie entière ? Et inutile d’évoquer la toute pre­mière fois. Celle qui nous a trans­porté dans un sen­ti­ment jusque-là inconnu, ignoré tant il était fort et éga­le­ment incom­pré­hen­sible ? Être amou­reuse pour la pre­mière fois. Sen­tir tout son corps trem­bler d’émotion et son « soi inté­rieur » fré­mir face à l’apparition d’un seul être, à la fois proche mais aussi si mys­té­rieux. Mais comme les femmes ne sont pas seule­ment actrices mais aussi spec­ta­trices, il était bien natu­rel de pla­cer l’une d’entre elles au cœur d’une his­toire d’hommes, dont elle res­sort pour­tant plus forte dans n’importe laquelle des quatre autres nou­velles. Rupe Git­tle, cin­quan­te­naire res­pecté dans sa petite ville de l’Orégon, se trouve le héros mal­gré lui de la der­nière his­toire que nous livre Kress­mann Tay­lor, celle d’un homme quel­conque, inca­pable de résis­ter au démon de minuit et que sa femme défen­dra face à tous, droite et digne envers et contre tous.

Grâce à son écri­ture tou­jours aussi fluide et élé­gante, Kress­mann Tay­lor est sans pareille pour plon­ger le lec­teur au cœur d’histoires humaines dont les per­son­nages lui res­semblent. Des “héros” ordi­naires, simples, des Mon­sieur ou Madame Tout-le-monde mais que la vie a pla­cés dans des situa­tions uniques, par­ti­cu­lières. Comme cha­cun d’entre nous ! C’est ainsi que l’auteur capte l’attention du lec­teur sans plus jamais la lâcher. Kress­mann Tay­lor a un réel don pour muer une his­toire banale en une nou­velle cap­ti­vante grâce à une écri­ture épu­rée, des sen­ti­ments vrais et décrits d’un ton très juste, sans en “rajou­ter”.
Ainsi rêvent les femmes ne déroge pas à la règle. Chaque femme, à tra­vers ces lignes, se sent alors, pour un moment, une héroïne de roman et enfin comprise !

v. cher­rier

   
 

Kress­mann Tay­lor, Ainsi rêvent les femmes (tra­duit de l’américain par Laurent Bury), édi­tions Autre­ment, mars 2006, 64 p. — 8,00 €.

 
     
 

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