Bernard Yslaire, Sambre — t.07 : Fleur de pavé

Suite d’une saga deve­nue culte

Trente ans déjà, en juin 1986, que Ber­nard Yslaire signait , la pre­mière pierre d’une saga, une tra­gé­die roman­tique mul­ti­gé­né­ra­tion­nelle. Avec Fleur de pavé, le pre­mier cha­pitre de la der­nière tri­lo­gie, il entre­prend de racon­ter l’histoire et le des­tin tra­gique de la troi­sième géné­ra­tion des Sambre. Les deux pro­chains albums sont annon­cés pour l’automne 2017 et l’hiver 2018. Espé­rons que l’auteur tienne ces délais sinon il risque de perdre nombre des lec­teurs du pre­mier tome.

Les jumeaux Bernard-Marie et Judith Sambre n’ont jamais ren­con­tré leurs parents et ignorent tout l’un de l’autre. Leur père est mort et leur mère semble vou­loir les oublier. Bernard-marie est élevé par Sarah, sa tante aveugle, dans la bas­tide de Roque­vaire. Il fait des cau­che­mars, rêve aux fan­tômes de sa famille, des­sine ces ancêtres qui le hantent avec leur malé­dic­tion. Ceux-ci lui demandent de ne pas écou­ter une femme, une très belle femme. Il est convaincu qu’il s’agit de sa mère et qu’elle est vivante.
Dans le Sus­sex, à proxi­mité de Londres, une jeune femme, qui cache son regard der­rière des lunettes noires, est reçue dans un manoir. Julie Sain­tange a fait place à Jane Sha­green, enceinte des œuvres d’Adam Scott. Elle vient trou­ver refuge dans la famille pour accou­cher de l’héritier.
En juin 1857, à Paris, dans la mai­son des enfants trou­vés, Judith est effrayée par les ombres chi­noises que pro­duisent Gui­seppe et Kazi­mir, deux gavroches qui vivent de rapines. Gui­seppe est venu avec un louis, le prix convenu pour que Judith lui montre “sa tire­lire”. Chaque ven­dredi une orphe­line est adop­tée. Ce jour-là, une bour­geoise, accom­pa­gnée du com­mis­saire Gui­zot, choi­sit Judith Juin sur les conseils du poli­cier. Pour la gamine ce sont de nou­veaux modes de vie qu’il faut inté­grer. Sur la coif­feuse de sa mère adop­tive, Judith fas­ci­née, s’empare d’un bijou, une coc­ci­nelle rouge. Le lar­cin est décou­vert quand elle la donne à une pau­vresse, après la messe. Enfer­mée au gre­nier, elle est rejointe par les deux gavroches et s’enfuit avec eux. Elle vit la bohème pari­sienne et, sans le savoir, prend le même che­min que sa grand-mère, l’amante mau­dite d’Hugo Sambre.
Bernard-Marie, de son côté, pressent une ren­contre qui chan­gera sa vie. Après la pas­sion tra­gique de leurs parents, les deux enfants connaîtront-ils le même destin ?

La pro­vi­dence, l’inconscient, le sub­cons­cient, la per­cep­tion induite de racon­ter l’histoire d’une famille mau­dite rejoint la réa­lité. L’auteur a décou­vert récem­ment que les membres de sa famille sont atteints, comme les Sambre, d’une affec­tion ocu­laire incu­rable, d’une mala­die géné­tique qui accepte tou­te­fois des excep­tions puisque lui-même n’en n’est pas por­teur. Cette his­toire, invo­lon­tai­re­ment per­son­nelle, a obligé l’auteur à dépas­ser les pon­cifs de la romance, les côtés anec­do­tiques qu’on peut lui trou­ver. Il appuie éga­le­ment son récit sur un héri­tage lit­té­raire, des sources cultu­relles liées aux œuvres de Sha­kes­peare, Hugo, Zola, Bau­de­laire… des réfé­rences uni­ver­selles. Le tra­vail de l’auteur est indé­niable. On res­sent une recherche appro­fon­die pour la docu­men­ta­tion per­met­tant une res­ti­tu­tion de l’époque, du Pre­mier au Second empire, au plus près de la réa­lité, sur les recherches gra­phiques, la réécri­ture des scènes et du dérou­le­ment de l’intrigue, le soin apporté aux dia­logues.
Ber­nard Yslaire donne le récit d’une tra­gé­die. Celle-ci aura, comme le veut le genre, une fin iné­luc­table qui ques­tionne sur la fata­lité et sur la pro­pen­sion de l’homme à détruire ce qu’il aime. Le dénoue­ment, annoncé dès le pre­mier tome, sera funeste. Il ne reste à connaître que le che­min qui mènera au drame.
Le des­si­na­teur pro­pose une nou­velle ambiance dou­lou­reuse, dra­ma­tique avec l’utilisation d’une large gamme de rouges et de noirs en dégra­dés don­nant un ton mélan­co­lique et une impres­sion légè­re­ment désuète. Le trait est pré­cis, dyna­mique et le décou­page tou­jours rythmé et diver­si­fié.
Ce nou­vel album qui semble plus riche, plus abouti que les pré­cé­dents, augure d’une tri­lo­gie d’exception.

lire les pre­mières planches

serge per­raud

Ber­nard Yslaire (scé­na­rio, des­sin et cou­leurs), Sambre, t. 7  : “Fleur de pavé”, Glé­nat, coll. “Carac­tère”, sep­tembre 2016, 72 p. – 15,50 €.

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