Lorsque le feu a commencé, Laura Vazquez a envoyé un sms aux pompiers. Il y avait sans doute mieux à faire. Mais on ne se refait pas. Même en santé. Toutefois et nez en moins (c’est le risque), un dialogue à bâtons rompus et incandescents débute, la vie comme le feu suit son cours. Si bien que Laura se « coiffe avec une flamme, s’endort avec ses débris » tandis que Simon avant d’aller se coucher pose « sa tête dans sa baignoire » et son immense oreille.
Voilà diront certains des gens bien légers. Mais il faut de tout pour faire un monde et mettre le feu aux poutres de la poésie. Oubliant tout de la vie ordonnancée, les dialogueurs soliloquent, leurs souvenirs « dans les dents » pour ne pas mordre la poussière. Et qu’importe si leurs genoux peuvent « exploser à l’importe quel moment ». A l’impossible nul n’est tenu. Surtout d’entre les murs où s’emmagasinent la chaleur ou dans le cercueil où, pour la préserver, il est recommandé selon un des purs scripteurs d’être enseveli avec un blouson (noir de préférence).
Un tel texte à quatre mains, à deux cerveau et des fils qui traînent, illustre parfaitement la vocation de Bêta. Avec aux manettes Maxime Actis, Quentin Léric et Marina Bellefaye, le collectif poursuit son parcours dans l’expérimentation poétique faite de presque rien et d’absurde. Il s’agit néanmoins de vaincre la laideur et les conventions afin de parler autrement l’existence entre spasmes, parodies et drôleries et en étranges lignes de fuite. Preuve que Bêta n’est pas bloquant.
jean-paul gavard-perret
Simon Allonneau e&Laura Vazquez, Les fils, Collectif Bêta, Bègles, 2016, 8 p. — 2,50 €.