Que serait la monarchie sans sacre ?
L’une des particularités de la monarchie – et ce qui la distingue fondamentalement de la république – réside dans son caractère organique puisqu’elle s’incarne dans une personne chargée de transmettre un héritage et dans une famille reliant le passé avec le présent et le futur. En un mot, la continuité.
Au cœur de la mystique royale on trouve le sacre, évènement fondamental pour le régime monarchique et fondateur pour le souverain. Trop souvent confondu avec le couronnement, il donne au monarque un caractère religieux, tout en participant aussi de sa légitimité. Souvenons-nous de Jeanne d’Arc amenant le roi de Bourges à Reims pour qu’il devienne le roi de France. La cérémonie, nécessairement grandiose, est conçue autant pour asseoir cette légitimité que pour marquer les esprits. Elle est à la fois acte politique et fête, instrument nécessaire pour entretenir l’adoration des foules envers la Couronne.
Mais qu’en est-il depuis le XIXe siècle et l’affadissement, voire l’affaiblissement, des royautés ? Avec son don inégalable de conteur, Jean des Cars apporte des éléments de réponse. Son très bel ouvrage, enrichi d’une magnifique iconographie, analyse les « sacres » depuis celui de la reine Victoria jusqu’à l’intronisation de Felipe VI d’Espagne. En plus de la personnalité et de l’histoire de chaque souverain, on découvre l’extraordinaire diversité des situations. Avec les monarchies nordiques, ni sacre ni couronnement mais une simple et triste prestation de serment. Comme si elles s’étaient républicanisées.
Discrétion prélude à l’effacement ? Parfois le mariage fait office de sacre comme pour Napoléon III, Rainier III de Monaco et son successeur Albert II. Pour la presse du cœur surtout. Quant à la longévité de la vie, elle permet au partant d’assister à l’intronisation de son successeur. L’abdication a certains charmes… Même le Vatican s’y est mis !
Heureusement, il nous reste les Windsor et leur incomparable sens du faste monarchique. Elisabeth II en respecta les règles pour son propre sacre. Et une question soudain s’impose. Que fera son successeur ? Le futur Charles III, qui a eu vingt ans en 1968 et régnera sur un pays culturellement et religieusement aux antipodes de celui de sa mère en 1953, conservera-t-il les immuables et nécessaires traditions ? Angoissante question…
frederic le moal
Jean des Cars, Le siècle des sacres, Perrin, novembre 2016, 253 p. - 29, 90 €.