Jean-Pierre Faye & Anne Slacik, Diwan Sertão

L’ellipse et l’énoncé

Il est des livres aux­quels il faut tou­jours reve­nir. Diwan Ser­tao  est de ceux-là. Ce poème fut écrit par Jean-Pierre Faye en 1997 au retour du Bré­sil. Il est devenu quinze an plus tard un livre majeur rehaussé de sept pein­tures d’Anne Sla­cik. Il fut aussi à l’origine des édi­tions Notes de Nuit.

La beauté sans conces­sion de la nature bré­si­lienne offre le contre­point à un chant d’appel de Faye :
« Je peins le point
de pas­sage. je meurs de l’odeur
marine de vivre et d’être
inversé dans la mer. »
Sur­git l’appel à une fra­ter­nité cos­mique qui pourra(it) sau­ver l’humanité et la débar­ras­ser de ses épo­pées guerrières.

« Espace contre savane, le faire
sur la gorge »
et en lieu et place du fer des hommes, Faye reste néan­moins lucide et ne se berce pas d’un lyrisme intem­pes­tif qui au nom de l’amour ferait prendre l’ivresse pour vérité, le signe pour un rêve. Res­tent ici des césures majeures en ce « point de pas­sage » au moment où, en femme habi­tée bran­dis­sant ses outils comme arme de poing à retar­de­ment, Anna Sla­cik allume le texte d’audaces scel­lées pour tou­jours d’un sou­rire énig­ma­tique à peine ébauché.

Existe donc un tra­vail en repons dévoi­lant la pro­fon­deur du contact par le dia­phane. Mots noirs, peau blanche. L’inverse aussi. Voix nue. Mais aussi un par­cours que l’oeil suit. Un par­cours qui déborde et fait repli par ce qu’Anne Sla­cik offre comme emprise au moment où Faye par sa poé­sie prouve une fois de plus l’aptitude à dire l’impossible, à dire l’émotion si long­temps par et par pudeur rete­nue.
Poème et pein­ture créent un retour sans l’aller. Demeurent un fond, un bruit, un fluide, un flux. La pein­ture devient lumière et non éclai­rage là où, fidèle au Bré­sil, le poème mêle l’oxygène de l’écriture à l’azote de sa trace. Jaillissent l’ellipse et l’énoncé. La néces­sité du secret. L’impératif de la parole. La par­ti­tion trou­blante du grave et de l’aigu. Le seuil de l’écriture. La plas­tique qui per­turbe sa matière, la trouble afin que le lec­teur soit dans l’impossibilité de ne plus voir. La « per­for­mance » de ce tra­vail à quatre mains est des plus rarissimes.

jean-paul gavard-perret

Jean-Pierre Faye & Anne Sla­cik, Diwan Sertão, Notes de nuit, Paris, 2016.

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